Les 27 et 28 janvier Orféon Donostiarra était invité par l’Orchestre National de Lyon pour interpréter sous la direction du chef catalan Josep Pons le «Stabat Mater» de Poulenc et le «Requiem» de Fauré. Deux œuvres délicates qui requièrent un chœur de très haut niveau. C’était la première fois que ce chœur abordait le «Stabat Mater» de Poulenc alors que le «Requiem» de Fauré est à leur répertoire depuis 1925 (!). Dès l’entrée et pendant toute la durée du concert la tenue du chœur sur scène est exemplaire. Ce n’est pas l’essentiel mais cette visible concentration et ce sens du collectif ont aussi leur traduction artistique et entendre ce chœur en tant que spectateur est une expérience inouïe au sens premier du terme.
Car d’un point de vue musical le niveau de ce chœur est tout simplement exceptionnel pour un ensemble, rappelons-le, exclusivement composés d’amateurs. Soyons clairs d’emblée, ces amateurs ont collectivement le niveau d’un ensemble professionnel. On ne sait qu’admirer le plus dans cet ensemble, la justesse toujours au rendez-vous alors que c’est souvent le point faible des ensembles amateurs, la polyphonie claire y compris dans les tutti, la toujours noble et sonore puissance des passages forte. Mais ce sont sans doute les pianissimi d’Orféon Donostiarra qui sont les plus impressionnants. Car ils sont d’une incroyable qualité, jamais ternes, toujours timbrés, habités et précis. Il s’agit de vrais pianissimi qui entraînent chez l’auditeur un véritable effet de sidération. Ainsi, ce dernier est immédiatement captivé et n’a plus d’autre choix que de se laisser emporter par la musique. S’agissant d’un pianiste ou chanteur on penserait instantanément : quel immense artiste ! Oui Orféon Donostiarra est un immense interprète. De plus cette interprétation, derrière laquelle il y a un énorme travail de précision audible à chaque seconde, est si pleine et aboutie qu’elle confère à l’auditeur un sentiment de sérénité très agréable. Car avec un tel travail d’orfèvre rien de fâcheux ne peut arriver. On comprend pourquoi MM. Abbado, Muti, Barenboïm, Mehta, Salonen, Gergiev, Rattle et d’autres font régulièrement appel à Orféon Donostiarra et que «Gramophone» ait en janvier 2011 cité Orféon Donostiarra dans les meilleurs chœurs du monde…
Pour ces concerts Orféon Donostiarra était dirigé par un Josep Pons très inspiré qui réussit dès les premières mesures du « Stabat Mater » à créer un très beau climat recueilli dans lequel le chœur s’immerge avec délicatesse. Patricia Petitbon semble un peu à la peine dans le Poulenc tandis que Matthias Goerne nous offre dans Fauré une incroyable leçon de legato et son timbre unique. Quant à l’Orchestre National de Lyon il sonne beau, juste et précis sans aucune faiblesse. Et quel plaisir de découvrir après l’entracte à l’arrière scène le grand orgue Cavaillé-Coll, anciennement au Palais de Chaillot et installé ici en 1977, surtout lorsque l’on pense que c’est sur cet instrument qu’eut lieu en 1900 la création de la version pour grand orchestre du «Requiem» de Fauré.
Un magnifique concert et les lyonnais ne s’y sont pas trompés remplissant 2 soirs de suite l’auditorium et accueillant les artistes avec chaleur et enthousiasme. Orféon Donostiarra débute ainsi en beauté cette «Année de la France» puisqu’il donnera en 2012 huit concerts dans notre pays sur un total de 27 concerts. Vous pourrez ainsi les entendre dans la «Deuxième symphonie» de Mahler avec le grand Tugan Sokhiev et l’Orchestre du Capitole de Toulouse les 16, 17 mars à Toulouse et le 18 mars à Pleyel. Les qualités de nuance et de justesse d’Orféon Donostiarra devraient être bien mises en valeur dans cette œuvre qu’ils ont beaucoup chantée et aussi enregistré à Lucerne avec Claudio Abbado. Si vous ratiez ces concerts vous pourrez vous rattraper lors du Festival de Radio-France et Montpellier au cours duquel Orféon Donostiarra donnera les 18 et 19 juillet à Mende et Sète deux concerts avec piano consacrés aux chœurs d’opéra. Un autre répertoire dans lequel il devrait également exceller. Vous pourrez aussi pendant l’été faire le voyage de San Sébastian pour écouter Orféon Donostiarra lors de la «Quincena Musical» dans la «Messe Glagolitique» avec Marc Elder (4/8/2012) et «Ivan le Terrible» (27/8/2012) avec Yuri Temirkanov et le Philharmonique de Saint Pétersbourg. Bravo et merci Orféon Donostiarra. On vous aime. Bienvenidos a Francia !
Gilles Lesur, 28 janvier 2012, Lyon, Auditorium, Patricia Petitbon, Matthias Göerne, Orfeon Donostiarra (chef de chœur : José Antonio Sainz Alfaro), Orchestre National de Lyon, direction : Josep Pons