Les choeurs d’Arthur Oldham

“Un géant barbu surgi des brumes d’Écosse” : c’est en tout cas ainsi que la presse musicale française décrivait l’arrivée d’Arthur Oldham dans le paysage choral français en 1976. Mais en fait, avant d’arriver à Paris, Arthur Oldham avait 20 années de carrière et d’expérience de chef de choeur derrière lui, successivement à l’opéra de Glasgow, à la Cathédrale et surtout au Festival d’Edimbourg et au London Symphony Chorus. Du Londres où il nait en  1926 jusqu’au Morvan où il repose depuis 2003, le chemin parcouru a été long et jalonné de rencontres avec les plus grands chefs de la planète, d’enregistrements et bien sûr de représentations, le tout constituant cette expérience irremplaçable qui l’avait conduit à ne plus vouloir diriger que des formations amateurs. «Dans amateur, il y a amour» se plaisait-il à répéter. Il fut également, mais en même temps qu’il dirigeait le choeur de l’Orchestre de Paris, chef de l’éphémère choeur de l’orchestre du Concertgebouw à Amsterdam. Nous retracerons ici l’historique de ces différentes activités.

Chœur du Festival d’Édimbourg (Edinburgh Festival Chorus)(1965-1977 et 1987-1994)

La décision de créer le Chœur du Festival d’Édimbourg a été prise en 1964 par Lord Harewood, abordant la dernière année de sa présidence à la tête du Festival. C’est Alexander Gibson, alors chef du Scottish National Orchestra de Glasgow, qui propose à Arthur Oldham de recruter et de préparer un grand chœur capable de chanter la Huitième Symphonie de Mahler au cours du 19e Festival en août 1965. Le chœur créé par Arthur Oldham pour la circonstance rassemble 240 adultes, hommes et femmes, et 100 garçons, venant pour certains, de la Scottish Academy où Arthur enseigne la musique, et du Chœur de la Cathédrale Catholique Romaine St Mary. Initialement dénommé «Scottish Festival Chorus», le choeur est rebaptisé en 1966 «Edinburgh Festival Chorus». Le concert d’ouverture du Festival a lieu le 22 août 1965, à Usher Hall, au cœur de la ville d’Edimbourg. C’est un triomphe pour ce nouveau chœur qui a, depuis lors, participé à cinquante festivals et qui vient de fêter en 2016 ses 50 ans. A plusieurs reprises il est venu en tournée à Paris (1974, Requiem de Fauré, Paris, 1975, Neuvième Symphonie, Paris, 1987, La Damnation de Faust, Lyon). Il a aussi participé en 1995 à une tournée européenne consacrée au “Requiem pour un jeune poète ” de Zimmerman à Berlin, Cologne, Paris et Salzbourg et à d’autres déplacements en Israël (1982) et à Muncih (1984).

Depuis 1965, quatre chefs de chœurs se sont succédé à la tête du Chœur du Festival d’Edimbourg. Arthur Oldham, son créateur, le dirigera durant deux périodes (1965-1977 et 1987-1994) totalisant une vingtaine d’années. Ensuite ce sont John Currie (1975-1986), David Jones (1995-2008) qui l’ont dirigé, Christopher Bell ayant pris le relais depuis 2008. Peter Diamand, que l’on retrouvera à Paris aux cotés de Daniel Barenboïm puis de Semyon Bychkov et qui entretenait d’excellentes relations avec Arthur Oldham, fut de 1966 à 1978 le directeur du Festival d’Édimbourg.

Au cours des deux périodes passées à la tête du Chœur du Festival, Arthur Oldham a travaillé avec 35 chefs d’orchestre et à la préparation de 69 concerts. Parmi les collaborations remarquables citons Alexander Gibson (10 fois), Carlo-Maria Giulini (8 fois), Claudio Abbado (6 fois), Daniel Barenboim (5 fois),  Leonard Bernstein (2 fois), James Conlon (2 fois),  Rafael Frühbeck de Burgos (2 fois),  Neeme Järvi (2 fois notamment en 1973 pour une Résurrection enregistrée et filmée), Istvan Kertesz (2 fois), Charles Mackerras (4 fois), Riccardo Muti (2 fois), mais aussi Simon Rattle (La Création), Mstislav Rostropovich, Gennadi Rozhdestvensky, Donald Runnicles, Esa Pekka Salonen, Yuri Temirkanov, Michael Tilson-Thomas et Herbert von Karajan (Magnificat Bach). Arthur Oldham a notamment préparé le choeur du Festival d’Edimburgh pour des collaborations avec de prestigieux orchestres : BBC Scottish Symphony Orchestra (2 fois); Berlin Symphony Orchestra (2 fois); City of Birmingham Symphony Orchestra;  Czech Philharmonic Orchestra; Leningrad Philharmonic Orchestra; London Philharmonic Orchestra (6 fois); London Symphony Orchestra (12 fois); New Philharmonia Orchestra (8 fois);  Orchestra of the Bolshoi Theatre; Orchestre de Paris ; Pittsburgh Symphony Orchestra (2 fois); Rotterdam Philharmonic Orchestra; Royal Philharmonic Orchestra; Royal Scottish National Orchestra (6 fois); Royal Scottish Orchestra; Scottish Chamber Orchestra (4 fois); Scottish National Orchestra (11); Swedish Radio Symphony Orchestra.

Toutes ces expériences et rencontres seront pour Arthur Oldham l’occasion de nouer des relations avec tout ce que compte d’important à l’époque la planète classique. Ce sera ainsi le début d’une longue collaboration et amitié avec Carlo Maria Giulini et Daniel Barenboïm. Ces relations privilégiées aideront Arthur Oldham dans ses futures fonctions parisiennes.

A plusieurs reprises, Arthur Oldham a dirigé lui-même en concert, dans des œuvres vocales a capella ou avec accompagnement d’orchestre :

  • Le 24 août 1969, il dirige au côté de Alexander Gibson, lors d’un concert comportant le Te Deum de Berlioz et The Building of the House de Brittenn, le Scottish National Orchestra accompagné de trois chœurs : St Mary’s Roman Catholic Cathedral Choir, Edinburgh Boy Singers et Edinburgh Festival Chorus.
  • Le 17 août 1987, il dirige le Chœur du Festival et le Wallace Collection dans huit œuvres de Bruckner.
  • Le 26 août 1988, il dirige le Chœur du Festival et le Scottish Chamber Orchestra dans la Messe en Mi mineure de Bruckner, trois Lieder de Schubert, quatre chants op 17 de Brahms, et une de ses œuvres, Praise of the Virgin.
  • Les 24 et 25 août 1992, il dirige le Chœur du Festival dans Liturgy of St John Chrysostom de Tchaikovsky, pour les « St Giles Cathedral performances ».

Si Arthur Oldham a doté le Festival d’Édimbourg d’un chœur à la hauteur de ses ambitions, en retour, le Festival d’Édimbourg a apporté à Arthur Oldham une solide réputation internationale de créateur et de chef de chœur.
Le Chœur du Festival d’Édimbourg, comme celui de l’Orchestre de Paris, a tenu une place privilégiée dans la carrière et dans la vie d’Arthur. Il a créé ces deux chœurs, puis les a dirigés, pendant 20 ans pour le premier et pendant 26 ans pour le second. De la même manière, il a dédié à chacun d’eux une œuvre importante de sa composition. Les «Psalms in the Time of War» seront créés en 1977, au Festival d’Édimbourg, pour célébrer le dixième anniversaire du premier, et le «Testament de Villon» sera créé à Paris en 1997, pour célébrer le vingtième anniversaire du second. Quarante ans après le concert du 22 août 1965 et le succès de la Huitième Symphonie de Mahler, le Festival d’Édimbourg reste marqué par le souvenir du «légendaire Arthur Oldham», comme l’appelle Sir Brian McMaster. C’est ainsi que le concert d’ouverture du Festival lui est dédié le 9 août 2003 et que plusieurs de ses anciens petits choristes, devenus des adultes d’âge mûr, présentent régulièrement des spectacles de leur création, au Festival d’avant-garde (Edinburgh Festival Fringe).

Le London Symphony Chorus  (1969-1977)

Arthur Oldham a été chef de choeur du London Symphony Chorus (LSC), un ensemble amateur crée en 1966, durant huit ans, entre 1969 et 1977. Composé d’environ 160 choristes amateurs de toutes origines, ce chœur prestigieux est administré par un comité élu de neuf représentants. Bien qu’il soit étroitement associé au LSO avec lequel il effectue la plupart de ses concerts, il a développé une vie indépendante qui lui permet de se produire avec d’autres orchestres. Succédant au fondateur du chœur John Alldis et arrivant à Londres, il s’agissait pour Arthur Oldham d’un retour aux sources, sur les lieux de son enfance, de ses études et de ses premières activités de compositeur. A la tête du LSC, Arthur Oldham rencontrera des chefs (Bernstein, Boulez, Giulini,…) et des compositeurs avec lesquels il a déjà travaillé précédemment surtout à Edimbourg, à l’époque où il était l’élève de Benjamin Britten. Il aura même l’occasion de collaborer à nouveau avec son ancien maître, ce qui lui permettra de renouer avec lui des liens distendus depuis plusieurs années. Durant ces huit années londoniennes, Arthur Oldham a préparé le chœur pour toutes les grandes œuvres chorales du répertoire, y compris des œuvres britanniques («The Dream of Gerontius» d’Elgar, «The Sea symphony» de Ralph Vaugan Williams, «Belshazzar’s Feast» de William Walton) et a participé à près de 60 enregistrements. Durant cette période, il collabore plus particulièrement avec les directeurs musicaux successifs du London Symphony Orchestra, à savoir Claudio Abbado, André Prévin puis Colin Davis. L’expérience londonienne confirmera la notoriété d’Arthur Oldham comme chef de chœur, une notoriété débutée en Écosse. A son départ en 1977, il est remplacé par Richard Hickox (1977-1991) et plus tard par Stephen Westrop (1991-2001)  et Joseph Cullen (2001-2012). Depuis 2012, Simon Halsey est le chef du LSC.

Trois des enregistrements réalisés par Arthur Oldham en temps que chef de choeur durant son mandat londonien se sont vus attribuer un “Grammy Award” pour les meilleures interprétations chorales :
• 1972 « Requiem » de Berlioz avec le LSO  sous la direction de Colin Davis
• 1974 « Belshazzar’s Feast » de Walton avec le LSO sous la direction d’André Previn
• 1977 « The Bells » de Rachmaninov avec le LSO sous la direction d’André Previn

Le Concertgebouw Orchestra Chorus (1980-1986)

En 1980, Bernard Haitink, le directeur de l’Orchestre Royal du Concertgebouw, souhaitant doter son orchestre d’un chœur amateur permanent, fait appel à Arthur Oldham. Il a entendu à Paris Alexandre Newski par le choeur de l’Orchestre de Paris. Confié à Arthur Oldham qui enregistre 2000 candidatures, ce chœur d’amateurs chante très rapidement la Neuvième Symphonie de Beethoven et la Symphonie de Psaumes de Stravinsky. Plus tard ce seront la Passion selon Saint Mathieu et celle selon Saint Jean de Jean-Sébastien Bach, le War Requiem de Britten, le Requiem de Verdi, la Damnation de Faust de Berlioz, etc avec tous les grands chefs invités à diriger cet orchestre prestigieux.
Dans le cadre de la politique de Bernard Haitink pour faire connaître son orchestre au niveau international, le chœur participe aux tournées et aux enregistrements du Concertgebouw Orchestra. La plupart des enregistrements sont effectués à la Grote Zaal du Concertgebouw. L’Orchestre et le Chœur du Concertgebouw sont ainsi dirigés par Bernard Haitink (Neuvième Symphonie de Beethoven en octobre 1980, Symphonie n°13 « Babi Yar » de Chostakovitch en octobre 1984), ou par d’autres chefs, comme Vladimir Ashkenazy (The Bells, en novembre 1984), etc. En 1986, après six ans d’activité à un haut niveau et malgré son succès, le chœur est dissous pour de multiples raisons : mésentente avec l’administration, conflit avec Nikolaus Harnoncourt sur des problèmes de technique chorale, chœur d’amateurs mal accepté par l’orchestre professionnel, directeur musical empêtré dans des problèmes personnels. Depuis lors, ce chœur n’a pas été remplacé.