Arthur Oldham, le «créateur» du Chœur de l’Orchestre de Paris
Le 14 juillet 1974, Place de la Concorde à Paris, l’Orchestre de Paris, dirigé par Daniel Barenboïm, interprète la 9ème Symphonie de Beethoven devant 60 000 personnes. Pour la circonstance, Daniel Barenboïm a fait venir d’Écosse le Chœur [amateur] du Festival d’Édimbourg, créé par Arthur Oldham et dirigé par lui depuis 1965. C’est à cette occasion que Michel Guy, Secrétaire d’état à la Culture, prend la mesure du manque d’un grand chœur à vocation symphonique à Paris. Il deviendra dès lors le principal défenseur de la création de ce grand chœur amateur, associé à la phalange parisienne, projet soutenu par Daniel Barenboïm dès 1975, date de son entrée en fonction comme directeur musical de l’Orchestre de Paris. Et c’est ainsi que la formation d’un grand chœur amateur associé à l’Orchestre de Paris, sur le modèle des chœurs des grands orchestres étrangers, fut confiée, par Daniel Barenboïm, à Arthur Oldham, un britannique bien connu des amoureux du chant choral. Daniel Barenboïm avait eu l’occasion de travailler avec lui et d’apprécier son travail au Festival d’Édimbourg.
La décision d’ouvrir des auditions pour recruter 240 chanteurs amateurs fut prise le 9 octobre 1975, sous l’impulsion de Michel Guy lorsque Jean Maheu était responsable de la Direction de la Musique. Les auditions commencèrent le 20 octobre 1975 dans la Salle Debussy à Pleyel. Il était demandé aux candidats de préparer deux morceaux et une épreuve de déchiffrage était imposée. Arthur Oldham auditionna lui-même les 1600 candidats, soit 30 à 40 personnes par jour pendant un mois et demi. A la grande surprise d’Arthur Oldham, qui venait d’un pays où le chant choral est très développé, environ 70 % des candidats n’avaient jamais fait partie d’un chœur auparavant. Autre surprise aussi, certains, qui prenaient pourtant des cours de chant depuis plusieurs années semble-t-il, n’avaient pu lui chanter un «aria», leurs cours se limitant à des exercices vocaux. Après l’audition et si le candidat l’intéressait pour ses qualités musicales, Arthur Oldham s’informait sur ses antécédents musicaux, l’appartenance à un chœur ou ensemble vocal, la pratique d’un instrument de musique, la connaissance du solfège, la situation familiale, la possibilité de disposer d’une ou deux soirées par semaine, la profession… Car si les critères pris en compte par Arthur Oldham pour retenir un candidat passaient d’abord par les qualités musicales, ils ne furent pas les seuls entrant en ligne de compte dans son choix. Arthur accordait beaucoup d’importance aux qualités humaines, à l’enthousiasme, à la simplicité, à l’humilité, à l’amour de la musique, et pour la circonstance aussi, à la capacité de faire corps avec un groupe, sans désir de jouer les « prima donna». Soixante-seize sopranos, 67 altos, 36 ténors et 54 basses furent ainsi recrutés, soit un effectif de 233 choristes, de 18 nationalités différentes.
La première répétition eut lieu le 21 janvier 1976, dans la grande salle de répétition située au troisième sous-sol du Palais des Congrès de Paris. (Nota : Vingt cinq choristes ayant participé à cette répétition inaugurale appartenaient encore à cette phalange au départ d’Arthur Oldham en 2002). Dans son livre « Living with voices », Arthur Oldham dira sa surprise de constater, lors de cette première répétition, la qualité du son produit par cette nouvelle phalange. Un « véritable orgue humain » écrira un journaliste à l’issu du premier concert. Le mélange, subtil, qu’il avait su opérer entre belles voix et bons déchiffreurs permit à Daniel Barenboïm de programmer, dès la première saison, des œuvres d’importance qu’il avait choisi, pour la plupart, de lui-même diriger.
Ainsi la première saison du choeur de l’Orchestre de Paris comprendra sous la direction de Daniel Barenboim le « Te Deum » d’Hector Berlioz les 28 et 29 septembre 1976 à l’église Saint Eustache, puis le 23 décembre 1976 au Palais des Congrès, la 9ème Symphonie de Ludwig van Beethoven, en février 1977 au Palais des Congrès et au Théâtre des Champs Elysées et «Béatrice et Benedict» d’Hector Berlioz donné au Théâtre des Champs Elysées en juin 1977. Mais dès cette première saison, Daniel Barenboim confie le choeur à des chefs invités, Zubin Mehta pour une oeuvre extrêmement complexe les « Gurrelieder »» d’Arnold Schönberg (mars 77) et programme avec Guennadi Rozhvendensky « Le Roi David » d’Honneger (avril 77) qui sera finalement dirigé par Jean Fournet, le chef russe ayant été retenu en URSS.