Biographie d’Arthur Oldham

Arthur Oldham (1926-2003)

Introduction

Personnalité majeure de la vie musicale européenne et internationale, le compositeur et chef de chœur Arthur Oldham, est né à Londres le 6 septembre 1926.

Très tôt, il montre de belles dispositions pour la musique et plus particulièrement pour le chant. Jeune enfant, il chante régulièrement les solos au sein de la chorale de son église anglicane grâce à une remarquable voix de soprano. Orphelin à 14 ans, il se retrouve seul et sans ressources. Il a perdu sa belle voix d’enfant et passe beaucoup de temps à composer. Finalement il intègre en qualité de boursier, le Royal College of Music de Londres où il reçoit une formation de piano et de composition.

C’est à cette époque qu’il rencontre Benjamin Britten auprès duquel durant huit ans, il va parfaire sa formation musicale, et débuter, avec son appui, une carrière de compositeur. Il obtient ses premiers succès avec une musique de ballet et mène une vie de bohème, fréquentant de nombreux artistes dans le quartier de Soho.

Le doute et de dépression s’emparent de lui. Il cesse toute activité musicale durant une longue période. Lorsqu’il en sort, il se convertit au catholicisme, et renoue avec l’art choral. Il accepte alors la direction du Chœur de la Cathédrale d’Edimbourg, à laquelle viendront bientôt s’ajouter celle du Choeur du Scottish Opera de Glasgow et celle du Chœur du Festival d’Edimbourg. Ses succès au Festival attirent l’attention.

Puis à la demande d’Istvan Kertesz, il prend la direction du Chœur du London Symphony Orchestra avec lequel il effectue de nombreux enregistrements en collaboration avec les plus grands chefs d’orchestre. L’année de la disparition de son Maître Benjamin Britten, il vient sur le continent où il crée successivement le Chœur de l’Orchestre de Paris à l’invitation de Daniel Barenboïm et celui du Concertgebouw d’Amsterdam à la demande de Bernard Haitink. C’est en France qu’il finit par se fixer, demeurant à la tête du Chœur de l’Orchestre de Paris jusqu’en 2002.

Au cours de cette longue et prestigieuse carrière de chef de chœur, Arthur Oldham a collaboré avec les plus grands, parmi lesquels : Carlo Maria Giulini et Daniel Barenboïm pour lesquels il éprouve de l’admiration et surtout une grande amitié. Citons également Georg Solti, André Previn, Itzvan Kertesz, Colin Davis, Herbert von Karajan, Leonard Bernstein, Pierre Boulez, Seiji Ozawa, Wolfgang Sawallisch et beaucoup d’autres. Une longue série d’enregistrements témoigne de toute cette période.

Très tôt dans sa carrière de compositeur, il a acquis une belle réputation avec son ballet « Mr Punch », créé à Londres en 1946. Outre des musiques de scène et de ballets, des œuvres pour orchestre et de la musique de chambre, son catalogue compte de nombreuses pièces chorales, dont les « Psalms in the Time of War » (principale œuvre du concert inaugural du Festival d’Edimbourg) et « Le Testament de Villon ». Cette dernière oeuvre pour trois solistes, chœur de chambre, grand chœur et orchestre, spécialement écrite pour les vingt ans du Chœur et les trente ans de l’Orchestre de Paris a été créée en avril 1997, salle Pleyel.

La présente biographie s’inspire très largement de l’ouvrage autobiographique publié en anglais, sous le titre « Living with voices » aux éditions Thames Publishing, en mai 2000. Dans sa préface, Donald Mitchell – éminent critique musical anglais, auteur d’ouvrages sur Britten, Mozart et Mahler – qualifie l’ouvrage de récit fascinant d’un musicien qui a apporté une remarquable contribution à l’Europe.

D’autres informations proviennent de divers témoignages et de l’interview d’Arthur Oldham réalisée par Marie-France Castarède et reproduite dans son essai intitulé « Le Miroir Sonore » publié dans la collection Psychanalyse, C.L.E. 1989.

Les grandes périodes de la vie professionnelle du compositeur et du chef de chœur, sont présentées ici selon un ordre chronologique en tenant cependant compte du fait qu’Arthur Oldham a dirigé simultanément jusqu’à quatre chœurs pendant plusieurs années.

Les jeunes années (1926-1943)

Arthur, William OLDHAM, naît le lundi 6 septembre 1926, à Londres.

Son père, homme cultivé, journaliste de son métier, est âgé de 62 ans à la naissance d’Arthur. Dans sa jeunesse, il rédigeait des articles sur la musique pour le Times Newspaper et pour d’autres journaux. A ses moments perdus, il écrivait des pièces de théâtre. Il était également un bon musicien et jouait très bien du piano. Lorsque survient la crise économique des années trente, il perd son travail et sa santé se dégrade, il souffre d’une arthrite sévère qui l’empêche de pratiquer le piano. Arthur s’en souvient comme d’un vieil homme, triste et malade. Il décède alors qu’Arthur est âgé de 12 ans.

Sa mère d’origine hollandaise, est beaucoup plus jeune, extravertie, elle est l’antithèse de son père. Elle est très proche de ses enfants, mais selon Arthur, elle joue très mal du piano. Ses rapports avec son mari malade et vieillissant se dégradent progressivement. Après la mort de ce dernier, elle subvient difficilement aux besoins de la famille en tenant un petit café-restaurant fréquenté par une pauvre clientèle d’ouvriers.

La famille comprend également une demi-sœur Muriel, plus âgée d’une dizaine d’années, issue d’un précédent mariage de son père, et d’une sœur Barbara, un peu plus âgée qu’Arthur.

Jeune enfant, Arthur possède une merveilleuse voix de soprano. Mais sa famille étant très pauvre, il ne bénéficie d’aucune leçon de musique. Il s’exerce seul sur le piano familial délaissé par sa sœur. Il fait partie du chœur de l’église anglicane et chante tous les grands solos. Un choriste adulte propose à sa mère de lui donner gratuitement des cours de piano, en faisant remarquer qu’Arthur est très doué pour la musique et le chant mais qu’il risque de perdre sa merveilleuse voix en muant. En 1940, le professeur de musique de l’école prend la relève, jusqu’à ce qu’Arthur obtienne une bourse pour le collège de musique.

Entre temps les autorités de la Southwark Cathedral School proposent de prendre en charge l’éducation d’Arthur pour le préparer à une carrière musicale. Sa mère repousse cette offre car elle ne veut pas que son fils s’oriente dans cette voie incertaine et préfère pour lui une carrière plus sûre, comme celle de fonctionnaire. Arthur apprendra ce détail après le décès de sa mère.

En 1940, sa mère ayant de plus en plus de difficultés à faire face à la dégradation de la situation matérielle de la famille et aux restrictions de la guerre, sombre dans la dépression et dans l’alcoolisme. Une nuit, elle se suicide malgré la surveillance étroite de son fils âgé de 14 ans. Celui-ci s’est endormi alors qu’il s’était donné pour tâche de la surveiller, il en gardera longtemps une forte culpabilité s’accusant de ne pas avoir su la protéger.

Rapidement, la famille se désagrège avec le départ de la demi-sœur Muriel, qui emménage dans un petit appartement où elle ne peut loger que sa sœur Barbara. Arthur se retrouve seul, il est confié à une famille d’accueil dans la commune, sous la surveillance d’une assistante sociale. Cette famille adoptive pleine de bonne volonté s’avère incapable d’apporter à Arthur les conditions nécessaires à sa formation musicale. Il la quitte au bout d’un an.

En revanche, il trouve à l’église et au collège la possibilité de pratiquer le piano et la composition. Ceci se passe en particulier lors des fréquentes punitions pour indiscipline. Le directeur du collège remplace le pensum habituel consistant à copier d’interminables listes de verbes latins, par l’obligation pour Arthur de composer un morceau de musique sur un beau piano.

Arthur finit pas s’installer au collège plus ou moins clandestinement avec l’accord amical du directeur et passe la majeure partie de son temps à composer de grandes pièces chorales et orchestrales. Son professeur de musique soumet une sélection de ces compositions au directeur du Royal College of Music de Londres, lequel accorde à Arthur une bourse d’étude pour la composition. Arthur reçoit également des autorités locales une allocation qui lui permettra de vivre en poursuivant sa formation.

Arthur a alors 16 ans. Il est selon ses dires, un adolescent perturbé et instable, profondément marqué par la disparition de ses parents pour lesquels il avait beaucoup d’affection. Durant cette période difficile, il a cependant bénéficié de l’aide de professeurs intelligents et attentionnés.

Le Royal College of Music (1943-1945)

Arthur se retrouve enfin dans un milieu où la musique occupe la première place. Il y côtoie d’autres boursiers parmi les plus doués et les plus assidus, des élèves payant leurs études et quelques jeunes filles envoyées ici par des parents fortunés pour parfaire leur éducation.

Le directeur du collège, Sir George Dyson, informé de la situation familiale d’Arthur, lui propose des leçons supplémentaires et le dirige vers des cours d’orgue. Arthur peut ainsi intégrer l’orchestre de l’école, faire de la musique en groupe et découvrir le répertoire orchestral courant. Au bout d’un an, Arthur abandonne cet instrument pour les timbales. En dépit de ses débuts tardifs au piano, il atteint un bon niveau grâce à un professeur remarquable, Kathleen Long.

royal_college_of_music

En revanche il apprécie moins son professeur de composition, Herbert Howells qu’il trouve trop académique et se référant sans cesse à ses propres compositions. Avis non partagé par le compositeur Richard Drakeford qui étudiera avec Howells dix ans plus tard et dont il prendra la défense dans un article consacré à l’autobiographie d’Arthur.

A la fin de cette première année, Arthur reçoit un prix de composition « Grade IV » ainsi que le prix « Corbett » de musique de chambre. Ces prix sont assortis d’une somme d’argent bienvenue.

En 1943, Arthur se porte volontaire pour la « Navy », car, précise-t-il, cela offrait l’occasion de passer six mois à l’Université de Cambridge. Mais à l’issue des examens médicaux, il est refusé au motif que sa vue est jugée insuffisante.

Au cours d’une prestation de l’orchestre du collège, Arthur participe comme timbalier à l’exécution de « Rejoice in the Lamb » de Benjamin Britten. Enthousiasmé par l’œuvre, il rencontre le compositeur à l’issue du concert et lui soumet quelques unes de ses compositions. Trois mois plus tard, Britten lui dit qu’il a apprécié ses chants et qu’il compte en inclure un dans un prochain récital avec son compagnon Peter Pears. Arthur lui demande alors s’il l’accepterait comme élève. Britten lui répond qu’il ne prend pas d’élève et qu’il vit loin de Londres, dans le Suffolk. Mais si Arthur accepte d’y venir passer le week-end, pour l’aider dans la préparation de son opéra « Peter Grimes », ils pourront parler de musique et de composition. L’année suivante, Arthur poursuit ses études avec application au collège et passe la plupart de ses week-ends chez Britten au « Old Mill at Snape ». Il a ainsi deux professeurs de composition, l’un académique, Howells, l’autre inspiré, Britten.

Devenu un percussionniste confirmé, Arthur participe à de nombreux concerts et productions d’opéras, mais cette activité est bientôt compromise par son exubérance et par un fâcheux penchant pour les facéties. Ainsi, lors d’une répétition du « Songe d’une nuit d’été » de Mendelssohn, il s’est muni de la plus grande paire de cymbales disponibles et le moment venu, il attaque si violemment que l’orchestre doit s’arrêter pendant cinq minutes pour permettre aux musiciens de récupérer d’une surdité soudaine et temporaire. Plus tard, lors d’une répétition de « Hansel et Gretel » le percussionniste doit utiliser un accessoire appelé coucou qui émet deux notes imitant l’oiseau du même nom. Arthur en a inversé les pièces de bois, de telle sorte que l’instrument émet un son incongru et déroutant à la place du chant du coucou. Arthur est alors relevé de ses fonctions officielles de joueur de coucou du Royal College of Music.

C’est à cette époque qu’il reçoit une première commande de la compagnie des Ballets Rambert pour la partition d’un ballet intitulé « Mr Punch ». Dès la première représentation, c’est un franc succès. En revanche, à la fin de cette seconde année au Royal College of Music, Arthur ne reçoit aucun prix.

Britten demande à Arthur de constituer un chœur avec ses camarades étudiants pour chanter des œuvres a cappella, et deux pianistes. Arthur réunit une vingtaine de choristes dont il dirige les répétitions et arrive à former un excellent choeur. Son camarade John Lindsay est un des pianistes choisis. Les concerts sont des succès, Britten est ravi et le public aussi.

Mais les autorités du collège, mises au courant de leurs appointements, font savoir qu’il n’est pas possible de mener en même temps des études à plein-temps et des activités professionnelles à mi-temps. Arthur et Lindsay quittent le Royal College of Music de Londres sur les conseils de Britten qui leur cherche du travail et pourvoit aux études de piano de John Lindsay.

Par la suite, le petit chœur d’étudiants deviendra professionnel sous la conduite d’un adulte disposant déjà d’un orchestre. C’est en arrivant à une répétition qu’Arthur apprend que ses camarades le quittent pour un autre chef. Décision brutale motivée par les avantages financiers mais également par les méthodes autoritaires et cassantes de leur jeune chef. Arthur en tirera une leçon pour la suite de sa carrière.

Le travail avec Benjamin Britten (1944-1952)

Les week-ends dans le Suffolk se passent de la façon suivante. Au premier étage du moulin « Old Mill at Snape », Arthur prépare les pages manuscrites des partitions traçant les portées, les clés, les barres de mesures pour Benjamin Britten « Ben » qui les utilise pour écrire son opéra. Beth, la sœur de Ben, prépare le lunch, ensuite ils font de longues promenades à pied dans la région. Le travail reprend en fin d’après-midi à la lumière des lampes à paraffine, puis vient le dîner suivi par l’écoute de musique sur un vieux gramophone. Britten aime Mozart, Verdi, Tchaïkovski, Chopin et Stravinsky dont il fait découvrir à Arthur la« Symphonie de Psaumes ».

old_mill_in_snape

  • Avec l’autorisation de Jane & Roger Horton – http://www.oldmillsnape.co.uk/
  • Old Mill in Snape – Suffolk où Arthur travaille chez Benjamin Britten (1944-1952)

Britten prend également le temps de regarder les compositions d’Arthur et d’en discuter avec lui. Il lui donne des exercices comme : écrire une messe dans le style de Palestrina. Il oriente Arthur vers les œuvres de compositeurs divers, dont il pense qu’elles peuvent lui être utiles. Mais il se dit convaincu qu’il n’est pas possible d’enseigner la composition car c’est une affaire de don. On peut seulement enseigner un certain professionnalisme dans la préparation du travail, comme le faisaient les grands peintres hollandais avec leurs élèves.

Depuis qu’il a quitté le collège, Arthur ne bénéficie plus de sa bourse d’étude et se trouve sans ressources régulières. Pour y remédier, Britten lui trouve un emploi chez Boosey & Hawkes, comme correcteur d’épreuves de partitions, auprès d’Erwin Stein (musicien, ancien élève de Schoenberg). Arthur peut ainsi découvrir les œuvres de Stravinsky en cours de réédition en 1947, ainsi que le « Concerto pour Orchestre » de Bartók encore peu connu.

Boosey & Hawkes assurant une certaine sécurité financière à Arthur, Britten le pousse dans son travail en l’aidant à obtenir des commandes et des concerts. La première œuvre concernée est « Summer’s Lease », pièce pour ténor et orchestre à cordes sur des sonnets de Shakespeare. Arthur a besoin de calme pour composer, Britten lui trouve un logement pour un mois chez une voisine dans le Suffolk, Norah Nichols, veuve du poète Robert Nichols. Durant les six années suivantes, Arthur utilisera cette retraite pour composer. La création de « Summer’s Lease » a lieu à Chelsea Town Hall, avec Peter Pears comme soliste et Arthur dirigeant le Boyd Neel String Orchestra.

En 1948, Britten invite Arthur à composer une œuvre pour le Festival d’Aldeburgh. Arthur soumet les « Variations on a Carol Tune » et Britten le conseille sur la partition pour Orchestre de chambre (les premières œuvres d’Arthur, notamment des ballets, étant destinées à des ensembles plus importants). L’œuvre, reçue poliment par le public, est attaquée par les critiques qui n’en apprécient pas les dissonances.

Au Royal College of Music, Arthur avait composé trois chants à partir de traduction de textes chinois. Lors d’un voyage à Paris, il les présente en récital au domicile de Lady Duff Cooper, épouse de l’ambassadeur britannique. A la demande de Britten et de Peter Pears, Arthur en ajoute deux autres. Ainsi les « Five Chinese Lyrics » sont présentés dans un récital de chants anglais au concert du Festival d’Aldeburgh (1949). C’est un succès immédiat.

Au cours de cette même période, Arthur assiste son maître dans la rédaction des partitions vocales de « Saint-Nicolas » et de « The Beggar’s Opera » en 1948, de la « Sping Symphony » et de « The little Sweep » en 1949.

En 1951, Arthur compose un second cycle de chants « The Commandment of Love » comportant un ensemble de six poèmes de Richard Rolle de Hampole (XIVe siècle). A part le quatrième « My Song is in Sighing», ces chants auront un impact limité.

Lors du Festival d’Aldeburgh (1952), Britten demande à Arthur de contribuer à un opéra. Ce sera « Love in a Village » produit par Basil Coleman avec dans la distribution : Peter Pears, Norman Lumsden, Nancy Evans & Heddle Nash. Cette oeuvre est bien reçue et restera au répertoire durant plusieurs saisons.

Mais Arthur est surmené, il a dû écrire en trois mois un cycle de chants pour Britten et Pears, « Love in a Village » pour la BBC et un ballet pour Covent Garden. En plus, il doit contribuer au Festival d’Aldeburgh (1953), en participant avec 4 autres compositeurs connus (Tippett, Berkeley, Searle & Walton) à une œuvre collective « Variations on an Elizabethan Theme ». Cette dernière œuvre est créée le 20 juin, par l’Orchestre du Festival dirigé par Benjamin Britten, à l’église paroissiale St. Peter et St. Paul d’Aldeburgh.

Les relations avec Britten deviennent difficiles. Elles s’interrompent durant quelques années. Plusieurs explications à cela : Britten n’apprécie pas les tentatives de son élève pour écrire une musique chorale accessible, de plus, Arthur s’est livré, depuis 1951, à quelques banales frasques de jeunesse qui ont déplu à Britten et à Pears.

Ainsi, au cours d’une croisière sur le Rhin, avec Basil Coleman et quelques invités de Pears et Britten, Arthur annonce qu’il les quitte à Coblence pour se rendre à Bâle, à la première de son ballet « Circus Canteen ». En fait, il va surtout rejoindre Nicole Breton, la première ballerine titulaire du rôle principal, avec laquelle il a débuté une relation « torride » pour reprendre ses termes.

De retour en Ecosse, Arthur quitte son logement chez Norah Nichols et s’installe avec Nicole Breton à Lodsworth, un petit village près de Petworth (Sussex). Mais composer devient de plus en plus difficile pour Arthur qui écrit de la musique pour la BBC (collaboration avec McNeice). Il a besoin d’argent et demande une aide financière à John Maud, ancien associé et admirateur de Britten, qui refuse et en informe Britten.

Le compositeur de ballets et les nuits de Soho (1945-1947)

 Le premier ballet « Mr Punch », est présenté le premier juillet 1946, au Sadler’s Wells Theatre de Londres, sur une chorégraphie de Walter Gore et dans des décors et costumes de Ronald Wilson. Devant le succès obtenu, Marie Rambert, fondatrice et directrice de la Rambert Ballet Company, propose à Arthur, alors seulement âgé de 19 ans, d’en devenir le directeur musical. Cette offre flatteuse est aussitôt acceptée. Disposant d’un orchestre réduit et pour compenser l’absence de certains instruments, Arthur est amené à réorchestrer la plupart des œuvres inscrites au programme. Il complète également le répertoire en composant sur commande.

Mais Marie Rambert est extrêmement exigeante et très avare. Elle ne lui paie la somme convenue pour la commande du second ballet « The Sailor’s Return » que sous la menace d’une grève sur le tas. Plus tard, elle ne paiera les droits d’auteur pour l’ensemble des trois ballets que sous la contrainte d’une décision de justice. Ce sera alors la fin de leur collaboration, avant que la compagnie de ballet ne parte en tournée pour 18 mois en Australie, de 1947 à 1949.

Après sa rupture d’avec la compagnie de Marie Rambert, Arthur continue à s’intéresser au ballet. En 1950, il accepte une commande du Stadttheater de Bâle pour la musique d’un ballet en un acte intitulé « Circus Canteen». L’année suivante il collabore avec le chorégraphe John Cranko et le célèbre auteur de dessin animé Osbert Lancaster, sur un travail pour le Royal Ballet à Covent Garden. Le ballet « Bonne Bouche », bien reçu par le public anglais, ne sera pas maintenu au répertoire de la troupe lors d’une tournée aux USA, car certains passages tombent sous le coup de la censure liée à la ségrégation raciale.

Avec son ami Lindsay, Arthur loue un appartement avec vue sur le parc de Clapham Common au sud de Londres. Leur porte est ouverte à de nombreux artistes. Ils passent leurs nuits dans le quartier chaud de Soho. Ils y côtoient les deux peintres écossais, Robert Colquhoun (1914-1962) et Robert McBryde (1913-1966), qui malgré leurs abus de tabac et d’alcool, produisent des œuvres de qualité. Colquhoun offre à Arthur une lithographie qui avec le temps sera évaluée à plusieurs milliers de livres.

clapham_common

Parmi leurs relations, le peintre John Minton (1917-1957) qui se suicide après le succès d’une toile peinte selon lui de façon trop académique et dévalorisante. Le poète Dylan Thomas dont Arthur apprécie l’œuvre, décède prématurément, victime de son alcoolisme. Ils rencontrent également le peintre Francis Bacon, et Lucien Freud, un petit-fils du fondateur de la psychanalyse, Sigmund Freud.

Les années noires et l’aide des moines (1954-1956)

Le surmenage des dernières années se traduit par une dépression nerveuse qui rend Arthur incapable de se concentrer sur la musique, et encore moins d’en composer et d’en vivre malgré l’usage de stimulants. Il finit par cesser toute activité musicale et par accepter un travail manuel, il nettoie les studios de la BBC. Il profite de sa présence dans ces studios pour y étudier les effets de l’acoustique.

Au plus profond de sa détresse, Arthur se souvient du conseil de Kathleen Long, son ancien professeur de piano au Royal College of Music. Elle lui avait dit que s’il se trouvait un jour dans une situation difficile, il pourrait toujours demander de l’aide aux Dominicains. Sans plus tarder, il va frapper à la porte du prieuré de Hampstead, au nord-ouest de Londres. Il trouve là le soutien dont il a besoin, auprès d’une communauté de 24 moines dont il partage occasionnellement la vie et dont il est le cuisinier fort apprécié. Finalement il se convertit au catholicisme. Ses marraines seront Kathleen Long et Rosemary Duncan, épouse de l’auteur et librettiste Ronald Duncan.

saint_dominic's_priory

Ayant enfin surmonté la dépression et souhaitant reprendre des activités musicales, Arthur prend contact avec le Père Agnellus Andrew, responsable des émissions religieuses à la BBC. Celui-ci lui signale que l’Archevêque d’Edimbourg recrute un chef de chœur pour la cathédrale catholique St Mary. Sur les conseils du révérend Père, Arthur pose sa candidature qui est acceptée à l’issue de l’audition, parmi celles d’une dizaine de candidats.

Le Choeur de la Cathédrale d’Edimbourg (1956-1971)

Arthur débute une carrière de maître de chapelle du « Edinburgh Cathedral Choir » à la cathédrale romaine catholique St Mary d’Edimbourg. Cette prise de fonction s’effectue dans une ambiance hostile. Le contrat de son prédécesseur n’ayant pas été renouvelé, Arthur reçoit un chœur écossais de 24 hommes et garçons, dont certains démissionnent par fidélité à leur ancien chef, les autres étant opposés à ce nouveau chef qui leur est imposé et qui, de surcroît, a le tort d’être anglais. Arthur constitue néanmoins un chœur de 40 personnes et inclut au répertoire de la musique polyphonique écossaise ancienne dont certaines pièces n’ont jamais été exécutées à l’époque moderne.

saint_mary's_cathedral

  • Avec l’autorisation de Mr Heather Larnach,
  • Web administrator on behalf of St Mary’s Cathedral
  • Edimbourg – Cathédrale Catholique Romaine Ste Mary

Parmi ces œuvres, figurent le motet « O Bone Jesu » de Robert Carver, des œuvres de Palestrina, de Victoria, les trois messes de Byrd, etc., avec du plain-chant, interprétées a cappella. Elles sont progressivement données au cours des grandes messes du dimanche. La réputation du chœur commence à s’étendre et les étudiants en musique de l’université sont envoyés pour écouter le grand répertoire polyphonique dans son contexte liturgique, ceci se passant avant la nouvelle mode du baroque.

cathedralchoir2

Le chœur de garçons de la Cathédrale, sous la conduite d’Arthur, participe à des festivals à l’étranger, en Allemagne à Cologne, en 1961, puis en Italie, à Loreto près d’Ancône, en avril 1964. Les petits chanteurs revêtus de l’aube ou porteurs du kilt traditionnel selon les circonstances, se produisent aux côtés du Chœur de Garçons de Vienne, auquel ils volent la vedette en interprétant avec brio, des œuvres de Benjamin Britten.

cathedralchoir1

Au début de cette période, et pour améliorer ses maigres revenus, Arthur accepte l’invitation d’une communauté de moines cisterciens, à venir régulièrement les aider à améliorer leur pratique du plain-chant. Ainsi chaque mercredi, il se rend à l’Abbaye Sancta Maria, où une cellule lui est réservée. Ce monastère, construit en grès rouge, est situé près du tout petit village de Nunraw, caché dans les collines de Lammermuir.

nunraw_sancta_maria_abbeynunraw_sancta-maria_abbey_(guest_house

  • © 1995-2006 Gazetteer for Scotland Avec l’autorisation de The Gazetteer for Scotland
  • http://www.scottish-places.info/
  • Nunraw Sancta Maria Abbey (Monks House)

L’enseignement d’Arthur porte ses fruits à tel point qu’un enregistrement de bonne qualité sera fait du solennel « Salve Regina » que les moines chantent chaque soir avant le coucher. De nombreuses copies de cet enregistrement seront par la suite vendues dans la boutique de souvenirs du monastère. Jusqu’à la fin de sa vie, Arthur retournera régulièrement à l’Abbaye, comme nous l’a confirmé le Père Abbé de Sancta Regina Abbey.

Au fil des années passées à St Mary, Arthur enrichit le répertoire d’un grand nombre d’œuvres, comme la Messe en l’honneur de St Thomas More, de nombreux motets et de pièces pour cérémonies. Il écrit une cantate « Laudes Creaturarum » (le grand poème de St François d’Assise).

C’est à cette époque que se situe une rencontre capitale pour Arthur. Lors de chaque Festival d’Edimbourg, le Chœur de la Cathédrale s’efforce de présenter des œuvres originales et de qualité, telle que la « Missa Brevis » de Britten. A l’issue d’une de ces messes du dimanche à laquelle il vient d’assister, Carlo Maria Giulini vient complimenter Arthur Oldham pour l’interprétation de la « Missa Papae Marcelli » de Palestrina. Entre 1968 et 1970, Carlo Maria Giulini dirigera à plusieurs reprises le New Philharmonia Orchestra au Festival d’Edimbourg. Ce sera entre les deux hommes, le début d’une collaboration amicale qui durera 30 ans.

La réputation du Chœur de la Cathédrale est telle que ses garçons sont demandés par les autorités du Festival d’Edimbourg, tandis que les hommes sont souvent invités à renforcer d’autres chœurs. C’est ainsi qu’à plusieurs reprises, Arthur rencontre Alexander Gibson, le chef du Scottish National Orchestra. Ce chef d’orchestre est en outre compositeur et directeur du Scottish Opera qu’il a fondé en 1962. Il s’agit d’un homme fin et d’un musicien doué, avec lequel il n’est pas toujours facile de travailler.

Le professeur de musique à la Scotus Academy (1956-1966)

Parallèlement à son activité de chef de chœur, Arthur enseigne la musique dans une école tenue par les Frères Chrétiens Irlandais, la « Scotus Academy ». Il s’agit d’une « public school » dont l’enseignement payant jouit d’une bonne réputation par rapport à l’enseignement gratuit des écoles d’état.

Cet établissement ouvert en 1953, fermera ses portes en 1978 après avoir vu passer dans ses murs plus de 1270 garçons âgés de 7 à 18 ans. Depuis lors, certains d’entre eux ont créé une association d’anciens et ont ouvert un site Internet sur lequel ils échangent leurs souvenirs d’écoliers et en particulier leurs souvenirs de choristes.

scotus_academy

  • Avec l’autorisation des Anciens Elèves de la Scotus Academy.
  • http://www.scotusacademy.net/
  • La Scotus Academy où Arthur enseigne la musique à partir de 1956.

L’école constitue une véritable « pépinière » de petits chanteurs pour les différents chœurs dirigés par Arthur, quoi qu’elle ne dispose pas officiellement d’un choeur. Avec des aides extérieures, elle produit des spectacles joués par les élèves, au Lauriston Hall d’Edimbourg. Ce sont des adaptations d’oeuvres de Gilbert & Sullivan : « Les Pirates de Penzance » présenté en 1961, puis « Le Mikado » en 1963.

Plus tard, Arthur renouvelle le programme en composant une comédie musicale « The Land of Green Ginger », qu’il produit et conduit au cours des représentations en 1965. L’affiche et les décors sont conçus par un autre professeur de l’école, Richard Demarco, un artiste, qui va rapidement acquérir une réputation européenne.

Mais Arthur a omis de demander à Noel Langley, l’autorisation d’utiliser son texte, source du livret. Ce dernier refuse son autorisation et interdit toute future représentation de l’œuvre qui sera reléguée aux archives.

afficheginger

Un ancien élève, J.M. Hunt qui a séjourné dans la maison entre 1954 et 1960, évoque le souvenir d’Arthur le « Music Master ». Il se souvient d’Arthur faisant répéter ses jeunes élèves séparément par pupitre. L’ « Ave Verum Corpus » est au programme. Le groupe des basses auquel appartient le narrateur doit travailler une partition peu enthousiasmante, Arthur encourage et rassure sans cesse quant au résultat final. Au bout de six semaines a lieu la première répétition plénière. Le son produit est alors une révélation pour les enfants, un plaisir absolu. Le narrateur dit avoir ainsi rencontré Dieu dans ce chef d’œuvre inspiré de Mozart. Il conclut par ces mots : « Merci Monsieur Oldham ».

D’autres élèves qui ont chanté pendant dix ans sous la direction d’Arthur au sein de différents choeurs, le considèrent 40 ans plus tard comme un père qui leur a fait découvrir la musique classique, et d’autres œuvres, comme « West Side Story », considérées comme légères à l’époque.

Arthur restera fidèle à ses jeunes choristes des différents chœurs d’Edimbourg. C’est ainsi que quarante ans plus tard, il assistera dans le cadre du festival d’avant-garde, à un spectacle musical réalisé par Mike Maran et mis en scène par Philip Contini, tous deux anciens choristes. A l’issue de la représentation, Arthur ira les féliciter et fort ému, il leur ouvrira les bras en murmurant « Mes garçons, ce sont mes garçons. »

 Le Choeur du Festival d’Edimbourg (1965-1977)

Le Chœur résident du Festival étant tombé en défaveur – notamment Otto Klemperer refuse de continuer à travailler avec lui – Lord Harewood, directeur du Festival d’Edimbourg décide de créer un chœur écossais local, et Alexander Gibson propose à Arthur Oldham d’en prendre la direction.

La Huitième Symphonie de Mahler, prévue pour la séance inaugurale (1965), exige de nombreux choristes et un chœur d’enfants. Arthur recrute 240 adultes et 100 garçons, et répète au Usher Hall avec un pianiste de première classe, Michael Lester Cribb, par ailleurs directeur musical du Fettes College. Le concert avec Alexander Gibson à la tête du Scottish National Orchestra, est un succès et le chœur est retenu comme chœur permanent pour redonner l’oeuvre en 1966.

user_hall

La troisième année (1967), Herbert von Karajan est invité et propose le « Magnificat » de Bach. A l’issue de la première répétition il félicite Arthur et le chœur. Puis, lors d’une conférence de presse, il déclare avoir plus progressé en une heure avec ce chœur qu’en deux semaines avec la plupart des chœurs qu’il a connu jusque là. Il ajoute que ce chœur est l’un des trois grands chœurs d’Europe après le Singverein de Vienne et le New Philharmonia Chorus de Londres, tous deux dirigés par l’illustre Wilhelm Pitz. Cette déclaration va changer l’attitude des critiques à l’égard du chœur qu’ils considéraient jusque là comme un bon chœur local faisant de son mieux.

En 1968, le programme du Festival comporte la « Messe en Mi bémol majeur » de Franz Schubert et le « War Requiem » de Benjamin Britten. Malgré l’opposition de Peter Diamand, directeur du Festival, Arthur prend directement contact avec le chef invité, Carlo Maria Giulini, et se rend à Rome pour préparer avec lui les répétitions du choeur. Bien que sortant d’une répétition de Cosi Fan Tutte à l’opéra, Giulini l’invite à déjeuner chez lui. La séance de travail qui suit, est amicale et très profitable. Finalement, le concert du « War Requiem » restera selon Arthur un des grands moments de sa carrière de chef de choeur.

En 1967, Arthur est amené à travailler avec Claudio Abbado pour des concerts comportant la « Symphonie de Psaumes » de Stravinsky, le « Gloria » de Vivaldi et le « Te Deum » de Verdi. Il trouve à ce chef de 34 ans un formidable talent et un indéniable charisme. Claudio Abbado lui signale qu’il dirige ce programme pour la quatrième fois, participant à une série de six concerts en Europe et au Canada. A ce propos, Arthur s’interroge sur ce qui sert le mieux la musique : diriger un orchestre comme Alexander Gibson en restant au même endroit et en variant le programme chaque semaine pour un même public, ou bien comme Claudio Abbado, approfondir un nombre plus limité d’œuvres et les interpréter devant des publics variés à travers le monde ?

En 1970, la Neuvième Symphonie de Beethoven est au programme du concert d’ouverture du Festival et le chef invité est Sir John Barbirolli. Arthur le rencontre à Londres pour discuter avec lui de l’interprétation de la partition. Au cours de cette séance de travail les deux hommes sont en désaccord sur un détail : la durée d’une note de transition entre un Allegro et un Poco Adagio. Arthur pense qu’elle doit être longue mais se soumet à l’opinion de Barbirolli qui la veut courte. Puis on se sépare et chacun retourne à ses occupations. Arthur part en vacances en Autriche avec sa famille. Et là, il apprend par un journal anglais que Sir John Barbirolli est décédé d’une crise cardiaque à Londres le 29 juillet. A son retour en Ecosse, Arthur trouve une lettre de Barbirolli qui, après mûre réflexion, s’est rallié à la suggestion d’Arthur. Cette lettre est perçue par Arthur comme un message d’outre tombe. Finalement le concert aura lieu le 29 août sous la direction de Sir Colin Davis.

En 1973, Arthur travaille avec Leonard Bernstein sur la Deuxième Symphonie de Mahler. Ce chef américain offre un contraste saisissant avec Carlo Maria Giulini. Il arrive au concert entouré d’une bruyante cohorte de managers et d’agents divers, tandis que le maître italien arrive seul, totalement absorbé par la partition qu’il va diriger. Lors de la première répétition, Leonard Bernstein « Lenny » se livre à un geste courant aux USA mais inhabituel en Ecosse : Alors qu’Arthur dirige au piano les exercices d’échauffement des voix des choristes, Bernstein dépose un baiser sur son crâne dégarni. Puis il passe beaucoup de temps à expliquer la musique et les implications mystiques de la musique, rendant la répétition légèrement ennuyeuse.

Le concert avec « Lenny » est un vrai numéro de cirque, le chef sautant en l’air et retombant bruyamment sur le podium. A la fin, les rappels sont nombreux et chaque fois que « Lenny » retourne en coulisse, il y est accueilli par une jeune femme qui lui tend un calice en or contenant du whisky et par un jeune homme qui lui couvre les épaules d’une cape de velours noir. Après le concert, l’orchestre, les chœurs, les solistes et le chef se retrouvent à la cathédrale d’Ely pour enregistrer un film télévisé de l’œuvre. Quinze jours plus tard, Arthur passe voir Bernstein qui répète à Vienne. Ce dernier ne le reconnaît pas.

En 1977, pour le dixième anniversaire de sa présence à la tête du chœur, Arthur compose une grande œuvre chorale et orchestrale, les « Psalms in Time of War ». Elle est donnée au cours du concert d’ouverture du Festival de la même année, sous la direction d’Alex Gibson, avec le baryton solo, Thomas Allen. L’œuvre est reçue avec enthousiasme, mais Arthur n’est pas satisfait, il trouve la partition trop surchargée, et la réécrira entièrement six ans plus tard.

La même année, Arthur quitte le Chœur du Festival d’Edimbourg, comme celui du London Symphony, pour pouvoir se consacrer au Chœur de l’Orchestre de Paris qu’il a créé l’année précédente. C’est John Currie, déjà dans la place depuis 1975, qui lui succède et qui restera à ce poste jusqu’en 1986.

Le Choeur du Scottish Opera de Glasgow (1964-1974)

Un an avant la création du Chœur du Festival, l’Ecosse se dote d’une compagnie nationale d’opéra, sous l’impulsion d’Alexander Gibson aidé par un brillant administrateur, Peter Hemmings. Le succès est immédiat : deux opéras sont donnés au cours de la première saison (1964), puis le cycle complet du « Ring » ainsi que « Les Troyens » de Berlioz au cours de la seconde saison (1965).

La troisième année (1966), le poste de chef de chœur est proposé à Arthur qui l’accepte avec enthousiasme en se souvenant de ses multiples expériences de scène. Il se remémore l’excitation des répétitions et des représentations, d’abord à ses débuts au sein d’un chœur d’enfants comme soprano colorature dans « Impresario » (Der Schauspieldirektor) de Mozart, puis au collège où il assumait les rôles principaux au théâtre, enfin avec la compagnie des ballets Rambert.

glasgowroyalththeatre

  • Avec l’autorisation de Mr Derek Green : ghost.green1@btinternet.com
  • Glasgow – The Theatre Royal, où se produisent l’orchestre et le chœur du Royal National Scottish Opera (RNSO)

A Glasgow, il dispose au départ de 60 à 80 choristes, tous amateurs dont beaucoup sont des musiciens de très haute qualité, utilisés à la demande comme solistes et capables de mener par ailleurs une activité professionnelle avec succès. C’est volontairement qu’ils ont fait le choix de rester amateurs compte tenu des incertitudes de la profession musicale.

Mais le succès et la rapide expansion de la compagnie d’opéra imposent des tournées régulières et une adaptation du chœur. Arthur est contraint de recruter des professionnels plus disponibles qui doivent travailler aux côtés des amateurs. Ceci crée rapidement des conflits entre les deux groupes qui finissent par ne plus communiquer entre eux. Arthur en tirera une leçon : il ne faut jamais mélanger choristes amateurs et choristes professionnels. Chaque groupe a des qualités et des défauts différents qui les empêchent de cohabiter.

Les liens renoués avec Benjamin Britten (1965-1976)

A partir de 1965, Arthur renoue progressivement des relations avec Benjamin Britten. Ces relations ont changé de nature. Ce ne sont plus des rapports de maître à élève, mais une collaboration entre un compositeur reconnu et un chef de chœur confirmé. Ils se retrouvent lors des Festivals d’Aldebourg auxquels Arthur apporte à nouveau sa contribution. Leurs rencontres restent cependant épisodiques, rythmées par les activités de chacun.

En 1965, Arthur accompagne Peter Pears dans un récital à la National Gallery of Scotland, qui comporte des oeuvres d’Arthur : six chants extraits de « Love in a Village » et le cycle de chants « The Commandment of Love ». La même année, Arthur accepte une commande de la BBC, pour une courte pièce a cappella destinée au Festival d’Aldeburgh. C’est ainsi que « St Francis : Blind Audley’s Carol » est donné et enregistré par les Chanteurs Elisabethains de Louis Halsey.

Au Festival d’Aldeburgh en 1968, Arthur et son Chœur interprètent trois compositions de Britten, dont « Voices for Today » et « War Requiem ». A cette occasion il retrouve son maître lors des répétitions au Usher Hall d’Edimbourg. L’ambiance de travail est amicale et Britten accepte même certaines des suggestions d’Arthur sur l’œuvre en cours de déchiffrage.

En 1971, Arthur rend visite à Benjamin Britten à Red House dans le Suffolk, pour discuter avec lui d’un enregistrement que prépare ce dernier, du « Dream of Gerontius » d’Elgar, avec la participation du London Symphony Orchestra Chorus.

En 1974, Arthur reçoit deux lettres de Benjamin Britten alors malade. Elles confirment leurs retrouvailles. La première, du 8 janvier 1974, le remercie chaleureusement pour les propos tenus dans une émission de la BBC. La seconde, du 3 juin 1974, est une réponse émue à un courrier d’Arthur.

Benjamin Britten décèdera d’une maladie cardiaque à l’âge de 63 ans, le 4 décembre 1976 à Aldeburgh. Son compagnon, Peter Pears décèdera à Aldeburgh le 3 avril 1986.

Le London Symphony Chorus (1969-1977)

En 1969, John Alldis quitte son poste de chef du Chœur du London Symphony Orchestra (LSO). Le chef d’orchestre, Istvan Kertesz, propose ce poste à Arthur, dont il a apprécié le travail sur le « Psalmus Hungaricus » de Kodály, présenté au Festival d’Edimbourg en septembre 1967. Istvan Kertesz, d’origine hongroise, avait particulièrement été sensible à la maîtrise d’Arthur concernant la prononciation hongroise et enchanté par la prestation du chœur du Festival.

royalfestivalhall-london

  • Avec autorisation – © ukstudentlife.com
  • Royal Festival Hall – London (south bank)

Lors de la première réunion avec les choristes du LSO, Arthur est clairement informé de la difficulté de la tâche, car ceux-ci sont restés fortement attachés à leur ancien chef, en dépit de ses démêlés administratifs. L’œuvre au programme est la Deuxième Symphonie de Mahler et le chef invité est Claudio Abbado.

Les difficultés vont surgir dès la première répétition. Les basses informent Arthur que personne parmi eux ne peut chanter le Si bémol grave et que l’habitude est d’avoir recours à des professionnels, choisis par eux-mêmes, pour renforcer le chœur. Fort de son expérience, Arthur refuse cet amalgame de professionnels et d’amateurs, et répond qu’ils devront répéter jusqu’à obtention du résultat escompté. Finalement, le but recherché sera atteint.

Le premier concert sera également générateur de sueurs froides. Cette œuvre est redoutable pour les choristes qui doivent rester silencieux durant beaucoup plus d’une heure de musique instrumentale avant une entrée a cappella aussi douce que possible. En répétition, Abbado avait coutume de faire une pause prolongée au cours de la mesure précédant l’entrée du chœur, ce qu’il ne fait pas le jour du concert. Tandis qu’il continue à battre la mesure, personne ne chante, puis quelques courageux se jettent à l’eau, chantant timidement et sont rejoints progressivement par d’autres qui veulent éviter le désastre et finalement la situation est sauvée. Le lendemain, les critiques sont unanimes à propos du chœur, ils ont particulièrement apprécié son entrée si douce et l’impression de mystère qui s’en dégageait.

Cet heureux dénouement contribue à établir un premier lien entre le chœur et le chef, mais les difficultés de relations vont persister. Le chœur du LSO a une particularité, il dispose d’un comité des choristes et d’une constitution rédigée et âprement défendue par ses membres. Arthur découvre que ce comité négocie des concerts, des programmes et des tournées sans l’en informer. Finalement après diverses péripéties au cours desquelles Arthur reçoit l’appui de l’orchestre, le chœur est dissous et immédiatement reconstitué sous l’autorité du seul chef de chœur.

Dorénavant, Arthur ne tolèrera plus jamais de comité de chœur, considérant que son chef doit posséder suffisamment d’autorité et de compétence pour prendre non seulement des décisions d’ordre musical mais également pour défendre les intérêts des choristes confrontés aux problèmes administratifs ou aux caprices de certains chefs d’orchestres.

Dès sa prise de fonction à la tête du chœur du LSO, Arthur qui continue à assumer la direction des trois chœurs écossais – à la Cathédrale et au Festival d’Edimbourg, ainsi qu’au Scottish Opera – se trouve entraîné par le chef Colin Davis dans une série de projets sur les œuvres de Berlioz ignorées à cette époque. Ce sera « La Grande Messe des Morts » en 1969 à la cathédrale de Westminster et « La Damnation de Faust » en 1973, avec les très importants moyens orchestraux requis par ces œuvres. L’enregistrement de ces œuvres sera suivi par celui de la quasi-intégralité de la musique religieuse de Mozart.

En 1970, Arthur a l’occasion de retrouver Leonard Bernstein pour un projet d’enregistrement du Requiem de Verdi. « Lenny » a du repousser le projet à plusieurs reprises en attendant que le ténor de son choix soit disponible. Lors de la première répétition, il est évident qu’il a trop attendu et que le ténor ne jouit plus de sa voix de jeunesse, il est même fini. Et dès qu’il ouvre la bouche, les musiciens de l’orchestre commencent à glousser, il finit par quitter la place. En urgence on trouve un remplaçant, il s’agit d’un jeune chanteur espagnol qui fait immédiatement sensation : Placido Domingo.

Le LSO est, selon Arthur, le plus brillant orchestre de Londres à cette époque, mais il est arrogant. Ces musiciens ont un comportement déplorable durant les répétitions, sans respect pour les chefs, même les plus grands. A tel point que Carlo Maria Giulini, après avoir enregistré la Neuvième Symphonie de Beethoven en novembre 1972, renonce à enregistrer le cycle complet comme prévu et jure de ne plus travailler avec eux, non pas parce qu’ils ne respectent pas le chef mais à cause de leur manque de respect pour Beethoven.

A de multiples reprises, Arthur travaille avec André Previn qu’il définit comme un musicien brillant et doué, avec un grand sens de l’humour. Très modestement celui-ci lui demande un jour des conseils sur la façon de diriger un chœur. Arthur lui conseille de noter sur la partition les différentes entrées du chœur par des couleurs différentes. Très rapidement André Previn deviendra, selon Arthur, un directeur choral de première classe. Ils enregistreront ensemble plusieurs oeuvres : « Alexandre Newsky » de Prokofiev (1971), « Belshazzar’s Feast » de Walton (1972), « Carmina Burana » de Orff (1974), « The Bells » de Rachmaninov (1975). André Previn sera nommé chef principal du LSO après le décès accidentel d’Istvan Kertesz. (Istvan Kertesz s’est noyé le 16 avril 1976 alors qu’il se baignait en Méditerranée au large de Kfar Saba en Israël).

Enfin, dans ses mémoires, Arthur rapporte sa seule et troublante collaboration avec le célèbre chef Leopold Stokowski, alors âgé de 92 ans. Lorsqu’il entre dans la salle où doit se dérouler la répétition avec piano, Arthur constate que la disposition des sièges des choristes a été totalement modifiée. Fort mécontent, il s’enquiert du responsable de ce bouleversement. Il s’agit du jeune agent du maître qui explique avec une extrême délicatesse que son protégé doit être installé le dos au mur et que lui et Arthur doivent l’encadrer pour prévenir une éventuelle chute au cours de la répétition. Il s’agissait là de la triste fin d’une grande carrière, et le concert qui suivit fut probablement le dernier. Dans la discographie du LSO, on trouve un enregistrement de la Deuxième Symphonie de Mahler, sous la direction de Leopold Stokowski, le 10 août 1974 à Walthamstow Town Hall.

Le Choeur de l’Orchestre de Paris (1976-2002)

Arthur et son Choeur du Festival d’Edimbourg ont travaillé à plusieurs reprises avec Daniel Barenboïm et l’Orchestre de Paris : lors de la Neuvième Symphonie de Beethoven donnée le 14 juillet 1974, Place de la Concorde à Paris. Puis lors du « Te Deum » de Berlioz donné le 11 septembre 1976 au Festival d’Edimbourg. A cette époque, Daniel commence à mener de front sa carrière de pianiste avec celle de chef d’orchestre. Selon Arthur, Daniel a des dons stupéfiants et peut être considéré, aux côtés de Benjamin Britten, comme l’un des musiciens les plus naturellement talentueux de ce siècle.

C’est au cours de cette même année que Daniel invite Arthur à venir à Paris pour tenter (le mot est intentionnel) de former un nouveau chœur pour l’Orchestre de Paris. En effet, la prudence est de règle car quelques années auparavant, Sir Georg Solti avait écarté un tel projet en disant qu’il n’y avait pas de belles voix en France.

A la suite d’une campagne de presse bien orchestrée, les candidats choristes affluent. Arthur doit en auditionner près de 1.600, dont environ 70% n’ont jamais fait partie d’un chœur et certains même n’ont jamais chanté auparavant. Finalement 240 voix sont sélectionnées. Reste à les faire chanter ensemble.

sallepleyel

  • © Gurdjieffian Net
  • Salle Pleyel – Paris – 232 rue du Faubourg Saint Honoré

Lors de la première répétition, Arthur constate que les voix sont splendides, offrant un grand potentiel, et que l’enthousiasme est débordant, mais la discipline naturelle est quasi absente. Il se rend compte qu’il dispose là des outils pour construire un splendide instrument mais que cela sera une tâche ardue.

L’indiscipline naturelle de ses choristes, attribuée à leur esprit latin, lui pose des problèmes. Il opte pour une méthode amusante, utilisant anecdotes et humour pour détendre l’atmosphère après les efforts intenses. Mais la reprise du travail nécessite toujours beaucoup plus de temps que prévu. Il en est de même au début de chaque répétition, la plupart des choristes continuent à bavarder avec animation dans les couloirs alors que l’heure de commencer est dépassée.

En revanche cette exubérance, si difficile à maîtriser au cours des répétitions, se transforme, selon Arthur, en un engagement total au moment du concert. Arthur dit avoir été souvent surpris de voir, lors du concert, son chœur parvenir non seulement au niveau demandé mais également surmonter les difficultés avec une aisance et une assurance inattendues.

Les premières difficultés étant surmontées, un répertoire permanent est monté. Le chœur reçoit un bon accueil des critiques et du public, ce qui entraîne des réactions d’hostilité de la part des chœurs professionnels qui se sentent menacés dans leur existence. Des manifestations bruyantes sont organisées lors de certains concerts, et le chef anglais est l’objet de basses attaques chauvines.

La troisième année, des tournées internationales sont organisées, débutant par Londres, Washington et New York, puis Berlin, Tel Aviv, Jérusalem, le Japon, l’Italie et l’Inde. C’est au cours de la tournée en Inde, qu’un petit groupe de choristes accompagne Arthur pour rendre visite à Mère Theresa dans sa mission et lui offrir un concert comportant des motets de Bruckner et des morceaux de musique de chambre. Ce grand moment d’émotion restera gravé dans la mémoire des personnes présentes.

En 1996, pour marquer le vingtième anniversaire du chœur, Arthur compose « Le Testament de Villon » sur une sélection de huit poèmes du poète. L’œuvre est donnée à la Salle Pleyel en 1997, sous la direction de John Nelson. L’œuvre est très bien accueillie par la critique et par le public. Les choristes remercieront Arthur en lui offrant neuf arbres qui décoreront le jardin de sa maison en Bourgogne.

En juin 2002, Arthur quitte le chœur 26 ans après l’avoir créé et dirigé. C’est la fin d’une aventure souvent exaltante, vécue par près de mille choristes ayant appartenu au chœur durant cette longue période jalonnée de répétitions, de concerts et de tournées.

Le 26 juin, salle Pleyel à Paris, Arthur dirige «Le Testament de Villon» à la tête du Chœur et de l’Orchestre de Paris.

Le 29 juin, une cérémonie est organisée au Palais de Congrès de la Porte Maillot. Tous les choristes sont présents, le discours d’adieu lu par l’un d’eux, exprime leur profonde gratitude pour les années passionnantes passées ensemble à faire de la musique à un haut niveau et surtout, pour ce qu’Arthur a apporté à chacun d’eux : « Non seulement, Arthur, ton œuvre – ce chœur – nous a amenés à nous dépasser collectivement, mais tu nous a permis de découvrir en nous-même des ressources « inestimées », révélant chacun à lui-même. »

Le Chœur du Concertgebouw d’Amsterdam (1980-1986)

Bernard Haitink ayant assisté à un concert à Paris où il a apprécié l’interprétation d’« Alexandre Newsky », invite Arthur à venir à Amsterdam afin de former un nouveau chœur permanent pour son Orchestre du Concertgebouw.

Au début, tout se passe bien. La sélection se fait à partir de 2.000 candidats. Les premières répétitions se passent plus facilement qu’à Paris car la grande majorité des choristes a une expérience des groupes dans lesquels ils chantent depuis l’enfance. Et rapidement le nouveau chœur se concentre sur la préparation du premier concert avec la Neuvième Symphonie de Beethoven et la « Symphonie de Psaumes » de Stravinsky.

concertgebouw

La situation commence à se détériorer après une mauvaise collaboration entre Arthur et le chef Nikolas Harnoncourt qui n’ont pas une même conception de la technique vocale. L’année suivante Nikolas Harnoncourt demande à la pianiste de remplacer Arthur lors de la préparation de « La Passion selon St Jean ». Arthur démissionne aussitôt, puis revient sur sa décision pour poursuivre la formation de son chœur. En conflit avec un administrateur, et n’étant pas aidé par le directeur musical, Arthur finit par consentir à la dissolution de son chœur.

Heureusement, ce groupe d’excellents chanteurs s’est reformé aussitôt sous le nom de Netherlands Concert Choir et continue actuellement à apporter son précieux concours à la vie musicale hollandaise. La dissolution du Chœur du Concertgebouw est selon Arthur, d’autant plus irritante que durant ses années d’existence, il a donné des concerts de haut niveau, avec un répertoire comportant le « War Requiem » de Britten, le Requiem de Verdi, la « Damnation de Faust » de Berlioz, etc. et ceci avec les plus grands chefs.

Arthur attribue cet échec au fait que les membres de l’orchestre n’ont jamais accepté à leurs côtés la présence d’un chœur d’amateurs qu’ils jugent peu dignes d’eux. Arthur rapporte que le comité directeur de l’orchestre lui délégua un jour un représentant, un percussionniste, pour lui donner des conseils sur la façon de faire travailler le chœur. Conseils inutiles et ridicules, traduisant leur ignorance totale de la technique vocale.

Des années plus tard, Arthur aura l’occasion de préparer l’excellent Chœur Gulbenkian pour un concert à Lisbonne avec l’orchestre du Concertgebouw dirigé par Colin Davis. Le concert sera un succès et les rapports seront amicaux avec l’orchestre dont l’attitude a totalement changé.

L’interlude colombien (31 mars 1983)

Dans ses mémoires, Arthur déclare que toute personne se lançant dans une carrière musicale doit posséder deux qualités : l’amour de l’art et un enthousiasme sans bornes. Il déplore de constater que beaucoup de professionnels, contraints de passer de longues heures à répéter avec des chefs indifférents et égotistes, finissent par considérer la musique comme un simple gagne pain. La flamme du départ, disparue depuis longtemps, se remet parfois à vaciller quand un heureux hasard leur offre l’opportunité de travailler avec des artistes ou des chefs capables de les réveiller.

A l’inverse, Arthur se souvient d’avoir souvent travaillé avec de jeunes musiciens, choristes et instrumentistes, et d’avoir été impressionné par leur total engagement et leur volonté d’atteindre la perfection et non pas de ces personnes regardant leur montre à la dérobée ou passant le temps des pauses en conférence groupés autour d’un délégué syndical.

Pour illustrer ce propos, Arthur évoque l’aventure du « European Community Youth Orchestra » prédécesseur du « European Union Youth Orchestra » patronné par l’Union européenne. A cette occasion il crée le chœur « International Youth Chorus » à partir de jeunes chanteurs de pays aussi éloignés que la Norvège, la Hongrie et la Colombie. Le programme inaugural comporte des extraits des Pièces Sacrées de Verdi et de la « Symphonie de Psaumes » de Stravinsky. Le chef est Claudio Abbado et la ville choisie est Rome. Le succès couronne une série de concerts télévisés dans toute l’Europe. C’est alors que le chef de la délégation colombienne prend contact avec Arthur, lui offrant de venir en Colombie pour y donner des concerts avec un programme de son choix, à l’occasion du festival de musique religieuse de Popayán.

Arthur accepte et propose deux œuvres : « Exultate, jubilate » de Mozart et le « Requiem » de Fauré, l’arrangement financier se limite aux frais de voyages et d’hôtel pour Arthur et son épouse. L’accueil est chaleureux à l’arrivée à Popayán, ville située dans le sud-ouest du pays. L’hôtel « Monasterio » installé dans un ancien monastère franciscain attenant à l’église San Francisco et entouré d’une végétation luxuriante, est très agréable.

hotelmonasterio-02

Les choristes viennent de différentes villes du pays. Arthur constate avec tristesse leur total dénuement. Ils ne disposent pas de conservatoire de musique et la plupart des professeurs de chant et de musique ont émigré aux Etats-Unis où ils ont la possibilité de gagner leur vie. Le seul orchestre de qualité « El Orquesta Nacional de Colombia » a été engagé pour la circonstance. Arthur est impressionné par le niveau des chœurs compte tenu de l’absence d’infrastructure musicale.

Interrogé sur ses méthodes de travail, le chef du Chœur de la ville de Medellin explique qu’il chante tout de mémoire et que ne disposant pas de pianiste, il fait répéter les sopranos en leur jouant la partition au violon par séquence de quatre mesures. Ensuite il procède de même avec chacun des trois autres pupitres. Quelle belle leçon d’humilité !

Le concert est prévu pour clôturer les célébrations officielles de la Semaine Sainte. Chaque soir, des processions colorées parcourent les rues de cette ravissante ville coloniale espagnole du 16ème siècle. Les répétitions se passent bien, Arthur parvient à fondre dans un ensemble cohérent les éléments disparates de ce chœur, et même à contrôler en grande partie, les éléments les plus incontrôlables de l’orchestre.

Le matin de la répétition générale, au moment du petit déjeuner, on entend soudain comme un crescendo de roulement de timbale. Les piliers de la salle de restaurant vacillent, le responsable de l’établissement crie « Terremoto ! » et tout le monde se précipite à l’extérieur sous une pluie d’objets les plus divers. Heureusement les choristes et les musiciens sont épargnés et rejoignent Arthur dans le jardin. C’est alors un va-et-vient d’hélicoptères, les rues sont en ruines la route de l’aéroport impraticable.

Des correspondants de l’agence de presse internationale arrivent des Etats-Unis. Un journaliste s’adresse à Arthur et lui demande sans préambule : « Il y a combien de morts dans votre groupe ? ». Il se fait rabroué sans ménagement. Néanmoins, on pourra lire dans la presse du lendemain, la phrase suivante extraite d’une prétendue interview exclusive d’Arthur : Le fameux chef s’écrie « Où est mon orchestre ? ». En fait, malgré les supplications d’Arthur, l’orchestre quitte Popayán, par le premier moyen de transport disponible.

Le chœur, pour sa part, décide de rester pour donner le concert en mémoire des victimes du matin. L’orchestre est remplacé par un piano extrait des décombres et apporté à dos d’homme par quatre choristes jusqu’au jardin de l’hôtel. Arthur dirige, juché sur une table. Le baryton, Neal Schwantes, se met à chanter quand une réplique du séisme secoue la ville. Le chœur et le soliste qui s’est agenouillé, continuent à chanter. Arthur se souvient de cet épisode comme d’un des plus émouvants de sa carrière. L’année suivante, un petit livre illustré sera publié sous le titre « Twelve Seconds in Popayán ». Il raconte la terrifiante histoire et conclut avec une photo du Requiem de Fauré montrant le chœur chantant, priant et peut être pleurant.

En mars 2005, lors de l’ouverture du 42ème festival de musique religieuse de Popayán, son président, Rodrigo Velásquez Àngel, rappellera cet événement en introduction d’un entretien accordé à l’organe de presse colombien « ciudadblanca.com ».

Actuellement, le nom d’Arthur Oldham est mentionné sur le site internet de deux orchestres colombiens, les « Orquesta Filarmónica de Medellin » et « Orquesta Sinfónica de Colombia ». Il figure parmi les « Maestros » qui ont dirigés leurs chœurs respectifs. L’ « Estudio Polifónoco de Medellin » créé en 1970, cite Arthur dans une liste de 16 noms, après celui de Mario Gómez-Vignes, compositeur d’origine chilienne. Pour sa part, le « Coro de cámara de Popayán » créé le 18 décembre 1967, le cite parmi 21 noms, après celui de Claudio Abbado.

N.B. : Le séisme du 31 mars 1983 qui a secoué le sud-ouest de la Colombie, a détruit la plus grande partie du centre historique de Popayán, faisant 500 morts et 3.000 sans abri. En 1986, le « Coro de cámara de Popayán » accompagnera la méditation du pape Jean-Paul II venu se recueillir sur les ruines de la cathédrale.

Le retour au Choeur du Festival d’Edimbourg (1987-1994)

Après sa rupture d’avec le Concertgebouw, Arthur retourne à ses premières amours, reprenant en 1987, les rênes du Chœur du Festival d’Edimbourg. Mais avec le temps les choses ont changé, le festival également. Il ne retrouve pas l’ambiance d’antan.

Les années brillantes et excitantes de l’époque de Peter Diamand restent dans les mémoires. Depuis lors, on est passé insensiblement de la musique au théâtre. Pour Arthur, le répertoire proposé est prosaïque, déjà joué à maintes reprises, donnant une pénible impression de déjà vu.

arthurfestival01

  • Copyright © Rod Fleming
  • Scran ID: 000-000-614-266-C et 000-000-614-267-C
  • Arthur Oldham dirigeant le Choeur du Festival en 1988.

Mais l’excellence musicale est à nouveau à l’honneur avec l’arrivée de Brian Mc Master au poste de directeur du Festival. Le « Moïse et Aaron » de Schoenberg est donné en concert d’ouverture le 16 août 1992, il constitue un terrible défi pour des amateurs et un véritable cauchemar pour le chef de choeur.

Le chœur a lui aussi changé. Beaucoup d’anciens amis l’ont quitté et les nouveaux choristes, qui n’ont jamais travaillé avec Arthur, trouvent ses méthodes étranges et difficiles à accepter. En dépit de tout cela, l’ancien climat de confiance se rétablit peu à peu, permettant de revivre quelques merveilleux concerts.

Mais les allers-retours hebdomadaires entre la France et l’Ecosse sont fatigants pour Arthur qui quitte définitivement le chœur du festival en 1994. La Huitième Symphonie de Mahler, qui inaugura l’activité du chœur en 1965, est à nouveau au programme du Festival cette année là. David Jones succédera à Arthur.

Arthur nous quitte (4 mai 2003)

Arthur n’aura pas eu le temps de profiter d’une retraite qu’il avait longuement fait attendre, et qu’il entendait consacrer à la composition. Le dimanche 4 mai 2003, moins d’un an après avoir quitté le Chœur de l’Orchestre de Paris, il s’éteint à l’âge de 76 ans, à l’hôpital de Villejuif, emporté par un cancer d’évolution rapide.

Ses obsèques ont lieu le 12 mai 2003 en l’église Saint Ferdinand dans le 17éme arrondissement de Paris. Le chœur au grand complet, renforcé par les anciens venus rendre un dernier adieu au Maître, chante avec beaucoup d’émotion le Requiem de Fauré, Serge Baudo dirige l’Orchestre de Paris, les deux solistes sont José Van Dam (baryton) et Annick Massis (soprano) et l’orgue est tenu par Jean-François Hatton. L’inhumation a lieu dans le cimetière du petit village de Gouloux (Nièvre), voisin de sa retraite bourguignonne de La Fontaine Belon.

Le 9 août 2003, le concert d’ouverture du Festival d’Edimbourg à la Usher Hall, est dédié à Arthur Oldham fondateur du Chœur du Festival. A cette occasion, le Royal Scottish National Orchestra sous la direction de Sir Charles Mackerras, interprète la « Glagolitic Mass » de Janacek. Un commentateur de la soirée écrit à propos du choeur : « Malgré un léger accrochage très occasionnel peut-être dû au texte en vieux slavon, les traces laissées par les années d’Arthur Oldham et par ses tendres encouragements, étaient évidentes. »

Le 6 novembre 2003, au cours du dîner de la Royal Philharmonic Society célébrant à l’Athenaeum de Londres, le bicentenaire de la naissance de Berlioz, le critique et auteur musical anglais, David Cairns, rend hommage dans son discours, aux sommités de la musique récemment disparues. Parmi les douze noms cités, il dit à propos d’Arthur Oldham : « …/…, Arthur Oldham, le “Ministre des Choeurs”, qui fut le chef du Chœur de l’Orchestre de Paris pendant 27 ans jusqu’à ce qu’il soit contraint de partir, et dont le décès au début de cette année a été un choc pour beaucoup, …/…. »

Arthur Oldham était officier de l’ordre de l’Empire britannique et commandeur de l’ordre des Arts et des Lettres en France. Dès le 5 mai, le Ministre Français de la Culture lui rend hommage, suivi par la presse internationale de tous bords : Le Figaro du 6 mai, l’Humanité du 7 mai, Le Monde du 9 mai, The Scotsman du 7 mai, The Independent du 13 mai, The Guardian du 14 mai, Le New York Times du 26 mai, la Revue Musicale de la Suisse Romande, etc.

Arthur laisse une abondante discographie d’œuvres enregistrées avec ses chœurs écossais, anglais, néerlandais et français, ainsi qu’un important catalogue de compositions dont bon nombre n’ont pas encore été créées ou enregistrées. Les enregistrements de ses chœurs ont reçus à plusieurs reprises une distinction des Grammy Awards aux USA (nomination en 1970, lauréat en 1971, en 1974 et en 1976)

Plusieurs générations de choristes restent profondément marqués par ses qualités humaines et ses qualités de pédagogue, sa personnalité attachante et haute en couleurs, son exceptionnel charisme, son humour inimitable, sa profonde religiosité, son amour pour les voix et son dévouement à ses choristes qu’il n’hésitait jamais à défendre face aux tracasseries de l’administration et aux initiatives de certains chefs d’orchestre peu instruits de la technique chorale.