Vous avez déjà pu lire sur ce site à propos d’Orféon Donostiarra, ce grand chœur amateur basque basé à San Sebastián et dirigé par José Antonio Sainz Alfaro. Nous avions déjà eu la chance de chanter avec ce magnifique ensemble la « Neuvième » à Orange. Lorsque je recontactai José Antonio, dit Sani, en novembre en l’informant que nous serions à San Sebastián fin décembre, il nous proposera tout de suite de participer au concert de fin d’année qu’il allait diriger le 30 décembre à Bilbao. Ce fut donc l’occasion de mieux connaître ce chœur unique et son chef.
Ce dernier nous accueille très cordialement lors de la première répétition en remerciant d’emblée d’avoir écrit, si justement me dit-il en son bon français, sur Orféon Donostiarra. Dès le début de la répétition il est évident qu’il possède toutes les qualités d’un vrai chef, vision, autorité naturelle, clarté et précision. Il aime également travailler dans la bonne humeur ce qui n’exclue pas quelques remarques fermes, si nécessaire. Il est vrai que tout n’est pas encore au point et l’orchestre à peine arrivé de Madrid, manque de précision. Malgré cela la répétition est interrompue avant son terme prévu, Sani étant confiant dans le résultat final.
Le lendemain nous retrouvons Sonia qui nous accueille avec sa grande gentillesse et nous présente avec empathie aux chanteurs. La générale débute en fin de matinée dans une belle salle de 2000 places située dans le palais des congrès de Bilbao, à deux pas du musée Guggenheim. Nous travaillons successivement la « Fantasia on Christmas Carols » de Vaughan Williams, une belle mais assez complexe musique qui progressivement se met en place, deux chants populaires basques (Hator Hator, Aurtxo Seaskan), le Pueri Concinite de Herbeck, le « Holy Night » d’Adam (en anglais!) sans oublier le White Christmas de Berlin et l’Alléluia de Haendel chanté en allemand ! Nous enchaînons avec la « Messe de Sainte Cécile » de Gounod dont seuls quelques points clés sont travaillés. Le niveau artistique de ce chœur est incroyable. La justesse et la précision sont impeccables, la polyphonie constamment audible et les nuances demandées avec succès par le chef vont du pppp au ffff. Et tout cela est obtenu avec une gestique minimale. Ce chœur est de plus d’une incroyable souplesse passant d’un style à l’autre sans difficulté. Immergé dans le chœur on perçoit la beauté individuelle des timbres et la puissance des voix. Il n’est donc pas étonnant que le résultat soit de niveau professionnel. On se rend également compte de la complicité des chanteurs, entre eux d’une part et d’autre part avec le chef car un simple geste discret est compris de tous et immédiatement traduit musicalement. Quel étonnement d’apprendre que ce chœur, à l’immense répertoire notamment en musique française, aborde pour la première fois la Messe de Gounod. Chapeau !
Nous retrouvons l’ensemble du chœur en fin d’après midi pour la « concentratión » moment de préparation qui précède le concert. Ce moment clé est ce soir assuré par Estéban, l’adjoint en charge des chœurs d’enfants et de jeunes associés à Orféon Donostiarra. Sani n’est pas loin, toujours auprès de ses chanteurs avec sa bonhomie et son autorité naturelle. Il nous remercie publiquement d’être là (le monde à l’envers !!) et annonce en cadeau de Noël que Sir Simon Rattle a demandé Orféon Donostiarra pour un Requiem de Fauré en juillet 2013 à Madrid (c’est noté, Simon Rattle on adore…). Le concert est un magnifique moment de musique et de joie. Je suis placé entre Eneko, qui me parle en français et Juan Carlos (pas le roi…retenu à Madrid) aux graves…royaux, un fidèle parmi les nombreux fidèles de ce chœur. Comme on les comprend ! Le Sanctus sonne magistralement alors même que Sani dirige à peine. Impressionnant ! Le Haendel qui sert de bis est mené dans un tempo vif qui n’a rien à envier aux baroqueux et avec d’incroyables nuances qui redonnent de l’allure à une musique trop souvent abimée.
Le 31 au soir Sani nous donne rendez-vous au siège d’Orféon Donostiarra qu’il nous fait visiter. Cet immeuble de 4 étages en plein centre historique de San Sebastián comprend une belle salle de répétitions, une salle de conférences en forme de mini théâtre, des salles pour les tout petits formés à l’aide de la méthode Baschet et bien entendu le bureau du directeur rempli de partitions, de disques et de papiers en tous sens… Les murs des couloirs sont remplis d’affiches de concerts donnés partout sur la planète et de photos dédicacées de Munch, Markevitch, Maazel, Salonen, Muti, Abbado, Ozawa, Barenboïm, Mehta, etc.…Une fois cette visite achevée nous passons quelques moments très agréables et chaleureux en compagnie de Sani, sa femme Ana et quelques amis dans les fameux bars à tapas de San Sebastián. De bar en bar et de bière en bière nous en apprenons un peu plus sur cet incroyable chef de chœur, son premier métier d’enseignant de physique et mathématiques à la faculté, sa reconversion ultérieure, les chefs qu’il aime (et les autres…), sa façon de travailler, sa conception de la direction d’un chœur amateur, de l’articulation avec les chœurs de petits et de jeunes intégrés à Orféon Donostiarra, son souhait de diriger plus souvent lui-même…Passionnant de rencontrer un homme qui brûle littéralement pour la musique, une constante chez les grands musiciens. Tu es un magicien Sani. Eres un Mago Sani verdadero. Muchas gracias Sani, Sonia, Maria y todos. Hasta luego a Toulouse y Paris !
Et bonne année à tous et toutes, soit en basque : Urte Berri On !!
Gilles Lesur
30 décembre 2011, Bilbao, Palacio Euskalduna, Elena Barbé, Javier Tomé, Christopher Robertson, Orquesta Clásica Santa Cecilia, Orfeon Donostiarra (chef de chœur : José Antonio Sainz Alfaro), direction : Jose Antonio Sainz Alfaro