Sir Colin Davis n’est pas un chef d’orchestre que l’on associe naturellement au Requiem de Verdi. Mais on sait qu’il aime diriger les grandes fresques chorales. Et en ce 17 janvier 2009, Sir Colin Davis, à la tête du London Symphony Orchestra et du London Symphony Chorus, était incontestablement un des héros de cette représentation unique donnée à la Philharmonie de Luxembourg. Interprétation puissante, passionnée, avec, par moments, de très belles nuances et, finalement, d’un style presque italien. La gestique de Sir Colin Davis, 81 ans depuis peu, sobre et précise, sait solliciter toute l’énergie et la virtuosité du London Symphony Orchestra dans les nombreux passages avec chœur, notamment dans un Dies Irae initial d’anthologie.
Le chœur, préparé par Joseph Cullen, est l’autre héros de la soirée. Puissance, qualité de l’intonation, beauté des phrasés – y compris dans les passages moins spectaculaires – et lisibilité sont au rendez-vous. A l’évidence, le niveau actuel est celui d’un ensemble professionnel. La tradition chorale britannique séculaire garde toute sa vivacité et son excellence. La recette est pourtant simple et connue : vous associez environ 130 chanteurs amateurs de toute origine, âge et type de voix à un chef de chœur professionnel motivé ayant l’expérience des œuvres du XIXe et XXe siècles, nécessairement cœur du répertoire, pourvu qu’il possède du charisme et le sens de la gestion d’un grand ensemble. What else ? Beaucoup de plaisir et un peu de travail, of course !
Le London Symphony Orchestra sonne bien comme un orchestre de très haut niveau qu’il est et ce n’est pas un hasard s’il vient d’être classé dans les quatre meilleurs orchestres symphoniques du monde. L’engagement visible de tous les musiciens, la précision, en même temps que les fortes individualités de haut niveau mais qui jouent pour l’ensemble lui confère un magnifique son, précis et énergique.
Grosse déception en revanche du côté des solistes vocaux qui ne sont pas du niveau de l’interprétation orchestrale et chorale. Le pire est certainement du côté des hommes avec un Stuart Neill vulgaire et sans âme hurlant comme s’il chantait mal du Wagner, sans doute faute d’une technique suffisante. John Relyea, basse au timbre ingrat, déjà fatigué, fait ce qu’il peut pour exister en oubliant qu’il est là, non pour lutter avec son encombrant voisin, mais pour faire de la musique. On ne parlera pas de la mezzo Karin Cargill appelée au dernier moment pour sauver la représentation. Seule la soprano Christine Brewer tire son épingle du jeu avec un timbre assez beau et une justesse le plus souvent au rendez-vous. Mais il lui manque ce supplément d’âme, indispensable dans cette œuvre, notamment dans le passage a cappella avec le chœur durant lequel elle montre ses limites. Sir Colin Davis, le London Symphony Orchestra et le London Symphony Chorus méritaient mieux que ce quatuor vocal décevant et bancal.
L’accueil du public, très concentré et silencieux pendant toute la représentation, est très chaleureux après un impressionnant silence de plusieurs secondes.
Gilles Lesur
Philharmonie de Luxembourg, 17 janvier 2009, London Symphony Orchestra, Sir Colin Davis, London Symphony Chorus (Joseph Cullen, chef de chœur), Christine Brewer, Karne Cargill, Stuart Neill, John Relyea, Missa da Requiem, Guiseppe Verdi (1874).