Noël aux Proms…

Assister à un spectacle musical au Royal Albert Hall à Londres était, depuis longtemps, un rêve. Or, il se trouve que les fameuses “Proms”, fondées par Henri Wood en 1895 et qui réunissent tous les étés le gratin de la musique classique mondiale, ont un équivalent en fin d’année: le “Christmas Festival”.

En déplacement pour quelques jours à Londres fin novembre et en l’absence de Gergiev, Salonen, Pappano et Jurowski, les chefs de grand talent actuellement en poste dans cette ville, j’ai eu la chance d’assister à un étonnant spectacle intitulé “Classical Spectacular” donné six fois de suite dans cette immense salle ronde, soit pour 35 000 personnes environ. Grand moment de musique et de fête données pour une salle enthousiaste et heureuse. Le principe est simple puisqu’il s’agit de faire jouer à un ensemble de haut niveau (Royal Philharmonic Orchestra, London Philharmonic Choir) les tubes du classique. Quelques éclairages et fumées psychédéliques viennent compléter le tableau sans oublier l’irrésistible humour british distillé aux moments opportuns par le chef d’orchestre, véritable animateur de la soirée.
Au programme, Carmina Burana, la Chevauchée des Walkyries, le chœur des esclaves de Nabucco, l’ouverture de Guillaume Tell, etc… ainsi que les inévitables “Rule Britannia” de Thomas Arne et “Land of Hope and Glory” d’Elgar chanté dans un tempo parfait par 5 500 personnes qui agitent simultanément le drapeau national vendu à l’entrée avec le programme. La musique de l’ennemi héréditaire n’est pas oubliée avec l’air du toréador du Carmen et la barcarolle des Contes d’Hoffmann d’Offenbach. L’incroyable ouverture “1812” de Tchaïkovski, qui cite la Marseillaise, fait office de final. Et pour l’occasion des musiciens de Moscou en tenue d’époque sont venus avec leurs canons, avant un lâcher de ballons… tricolore of course ! On peut certes trouver la sonorisation imparfaite, notamment pour le piano au son très déformé pendant la “Rhapsody in blue” de Gershwin, et les fumées trop incessantes mais, est-ce vraiment important ?
En France, certains criraient sans doute au sacrilège mais ici tout semble parfaitement naturel et le public, à l’évidence très mélangé, est heureux et n’hésite pas à le montrer. Et ce bonheur palpable est très communicatif. Et c’est ce côté populaire de la musique classique, mais à un niveau professionnel, qui manque tant chez nous. Plutôt que de se lamenter sans cesse sur la chute des ventes de la musique classique et de la fréquentation des salles et de noter avec consternation que près d’un adolescent sur deux déclare détester le classique, retroussons nous les manches et réfléchissons à comment transposer chez nous d’aussi bonnes idées. “Le plus grand et le plus démocratique festival de musique” selon Jiri Bĕlohlávek mérite certainement de servir d’exemple. Si vous êtes à Londres pour les fêtes de fin d’année, consultez le programme sur Internet et allez-y, vous ne serez pas déçus !

Gilles Lesur

Londres, Royal Albert Hall, 22 novembre 2009, Royal Philharmonic Orchestra, London Philharmonic Choir, direction : John Rigby, John Hudson, Jonathan Scott, David Kempster, The Band of the Welsh Huards, Muskets and Canons of the Moscow Militia.