Les Quatre pièces sacrées de Guiseppe Verdi (1813-1901) sont très rares au concert. Elles sont pourtant des œuvres de la maturité du compositeur, composées à la fin des années 1890 et donc postérieures au Falstaff, l’ultime opus opératique du maître créé en 1893.
Elles sont d’abord constituées de 2 pièces pour chœur et orchestre, le Te Deum composé en 1896 et pour lequel Verdi souhaitait revenir aux sources de la musique catholique et le Stabat Mater composé quelques mois plus tard. Verdi y adjoindra ensuite les Laudi alla Virgine Maria, une pièce en italien pour 2 soprani et 2 alti sur un texte extrait du Paradis de Dante. Il composera plus tard encore un Ave Maria, une pièce a cappella d’une étonnante modernité, mais refuse d’abord qu’il soit ajouté aux 3 autres pièces. C’est Arturo Toscanini qui le premier a l’idée de réunir ces quatre pièces en un recueil. Malgré cela, il n’est pas rare que seules les pièces avec orchestre soient données en concert. Ainsi Riccardo Chailly vient-il d’interpréter le Te Deum et le Stabat Mater à Berlin mais sans les 2 pièces a cappella malgré la présence de l’excellent chœur de la Radio de Berlin….
La première exécution a eu lieu le 7 avril 1898 à l’Opéra de Paris sous le titre de Tre Piezzi Sacri. Verdi n’était pas présent à cette création car son épouse était décédée deux ans auparavant et le maître de Busseto ne se sentait pas de voyager jusqu’à Paris. Il a donc confié à son ami Arrigo Boïto, le librettiste d‘Otello et Falstaff, le soin de préparer ce concert. Quant à la première italienne du cycle, toujours sans l’Ave Maria, elle eut lieu en mai 1898 à Turin, sous la direction d’Arturo Toscanini, qui avait préalablement rencontré Giuseppe Verdi. A la première exécution à Vienne le 13 novembre 1898 l’Ave Maria était enfin inclus. Lors de ce concert, les solistes initialement prévues pour l’Ave Maria et les Laudi alla Virgine Maria ont été remplacés par un chœur de femmes ce qui est contraire aux instructions de Verdi. Mais aujourd’hui aussi l’Ave Maria et les Laudi alla Virgine Maria sont le plus souvent chantés par un chœur de femmes. De plus, c’est surtout le Te Deum qui est joué en concert, tandis que le cycle en entier est trop rarement donné. Verdi n’entendra jamais ses Quatre Pièces Sacrées avant son décès le 27 janvier 1901.
Parmi les quelques enregistrements disponibles, celui réalisé par Carlo-Maria Giulini pour EMI à Londres en 1970 avec le Philharmonia Orchestra et son chœur, qui plus est couplé avec le mythique Requiem, est une merveille musicale, même si la prise de son a un peu vieilli. En 1991, le grand chef italien récidivera pour Sony, comme il le fit pour le Requiem, en enregistrant l’œuvre cette fois à Berlin avec le Choeur Ernst Senff et le Philharmonique de Berlin, une autre réussite du maestro même si elle est étonnamment couplée avec avec le Credo de Vivaldi. Riccardo Muti à Berlin en 1983 avec le chœur de la Radio Suédoise, Claudio Abbado en 1991 à Vienne et Myun Wung Chung avec l’Académie Sainte Cécile de Rome en 2001 pour DGG ont eux aussi laissés de beaux enregistrements. Quant à l’enregistrement dirigé par John Eliot Gardiner il est sans doute à recommander à ceux qui veulent se concentrer sur la partie chorale…Les amateurs de l’oeuvre et curieux pourront aussi se tourner vers les enregistrements de Ferenc Fricsay (1952) et Zubin Mehta (1970).
Espérons pouvoir bientôt entendre ces attachantes Quatre pièces sacrées, à nouveau dans leur intégralité, par exemple par Riccardo Chailly au Festival de Lucerne 2018 ou pourquoi pas avec Gianandrea Noseda à l’Orchestre de Paris…Après Daniel Barenboïm en 1979, Carlo Maria Giulini en 1982 et Zdenek Macal en 1999 ce serait la quatrième fois dans l’histoire du chœur de l’Orchestre de Paris…
Gilles Lesur, le 26/9/2017