Les 20 ans du Requiem de Verdi par Barenboïm

** FILE ** Daniel Barenboim conducts the West-Eastern-Divan Orchestra during a rehearsal in this, Aug. 13, 2007, file photo in Salzburg, Austria. Barenboim, already a contentious figure among fellow Israelis for championing Palestinians' rights and the works of Hitler's favorite composer, has accepted honorary Palestinian citizenship. (AP Photo/Kerstin Joensson, file)

Il y a 20 ans, le mur de Berlin tombait. On en a beaucoup parlé et c’est très bien. Mais souvenez vous, quelques mois auparavant, en juin 1989, c’était aussi le dernier concert de Daniel Barenboïm en tant que directeur musical de l’Orchestre de Paris. Au programme le Requiem de Verdi avec Susan Dunn, Waltraud Meier, Gary Lakes et Ferruccio Furlanetto. Dimanche soir dernier (15 novembre 2009, ndlr), la salle Pleyel était pleine à craquer pour l’unique représentation du Requiem de Verdi par le chœur et l’orchestre de la Scala sous la direction de Daniel Barenboïm.

Grande émotion de retrouver, 20 ans après et au même endroit, cet homme maintenant mûr et auréolé d’une envergure artistique et humaine rare dans le domaine musical. Il dirige naturellement par cœur cette œuvre tant de fois donnée ici et ailleurs. Les musiciens et chanteurs de la Scala, une institution dont Barenboïm est directeur musical depuis 2007, sont nécessairement à l’aise dans cette musique issue de leur arbre généalogique. Comme il y a 20 ans, l’interprétation est passionnée, par moments mystique, voire religieuse, et, à d’autres, déchaînée et opératique. Tout est intense, vivant et contrasté. Le chœur est magnifique d’engagement mais sans débordement et les voix graves résonnent comme rarement rendant toutes les parties audibles. L’orchestre sans atteindre la sonorité et la précision des prestigieuses phalanges allemandes ou anglo-saxonnes sonne beau et homogène. Et le quatuor de solistes est de très haut niveau: Fritolli, même si elle paraissait anxieuse malgré son immense métier, a une présence naturelle et des aigus magnifiques, Sonia Ganassi sait éviter les débordements, mais l’exceptionnel est chez les hommes qui dominent la soirée. René Pape est impérial d’intelligence, avec une exceptionnelle ligne de chant, une puissance, une beauté et une homogénéité du timbre rares. Jonas Kaufmann, la nouvelle coqueluche du monde lyrique, au magnifique timbre sombre, fait preuve d’une belle musicalité. Il doit sans doute encore se familiariser avec cette musique italienne. Son habileté à passer d’un registre à l’autre sans tomber dans la caricature ni utiliser les ruses de certains de ses collègues est déjà exceptionnelle et fait merveille dans un Hostias d’anthologie.

Quant à Daniel Barenboïm, il dirige son Verdi presque comme il y a 20 ans, avec ces mêmes déchaînements telluriques dans le Dies Irae, ces accélérations… parfois difficiles à suivre et ces coups de sang comme dans la toute fin du Sanctus. Visiblement heureux en cette terre latine, il salue au milieu des siens, comme un modeste artisan parmi d’autres au service de la musique et de ses musiciens. Accueil triomphal. Décidément l’homme Barenboïm, comme le musicien, vieillissent bien ce qui va évidemment ensemble. Vingt ans après son départ de la capitale, une nouvelle équipe étant en place à l’Orchestre de Paris, il est maintenant temps de faire tomber complètement le mur virtuel qui a trop longtemps séparé Daniel Barenboïm de son ancien orchestre…

Gilles Lesur
Salle Pleyel, dimanche 15 novembre 2009, Verdi, Messa da Requiem, Chœur et Orchestre de la Scala, Daniel Barenboïm, direction, Bruno Casoni, chef de chœur, Barbara Fritolli, Sonai Ganassi, Jonas Kaufmann, René Pape.