Il y a 20 ans, Leonard Bernstein disparaissait. Ne pas l’avoir entendu en concert est un de mes grands regrets. Surtout quand on sait que, 30 ans plus tard, certains musiciens de Radio France ou de l’Orchestre de Paris parlent encore avec émotion de la “Messe des Morts” de Berlioz donnée en 1975 aux Invalides ou des symphonies de Mahler des années 1980. Tout a déjà été dit sur cet homme hors du commun, immense chef d’orchestre, compositeur de génie et pédagogue hors du commun à la fois pour les jeunes et pour les nombreux chefs d’orchestre qu’il a marqué pour leur vie entière. Et sur l’homme passionné, généreux, séduisant, parfois excessif, mais aussi engagé et aimant vraiment les gens et la vie. Il n’a rien à rajouter sur ces points si ce n’est que dans notre monde musical volontiers aseptisé, il nous manque. Si vous souhaitez mieux connaître l’incroyable vie de Lenny, je vous recommande la lecture d’un magnifique et passionnant livre en anglais coordonné par son frère Burton intitulé «Leonard Bernstein, American Original». Ce n’est pas une biographie mais plutôt une analyse fouillée, documentée et intelligente des nombreux aspects de la riche vie de Bernstein. Parmi les sujets évoqués, figurent la vie de Bernstein à New York, ses activités humanitaires, ses rapports avec la télévision, Mahler, etc. Bien entendu vous y trouverez également une multitude d’anecdotes et de très belles et émouvantes photos notamment auprès de la famille Kennedy, de Seiji Ozawa, d’Aaron Copland et de tant d’autres. Et je ne résiste pas au plaisir de vous faire partager ici “mon” Lenny, égoïste, nécessairement subjectif. Il comprend quelques extraordinaires vidéo, par exemple une deuxième symphonie de Mahler avec le Chœur du Festival d’Edimbourg préparé par un certain Arthur Oldham, des symphonies de Brahms avec le Philharmonique d’Israël, orchestre tant aimé, les extraordinaires symphonies de Sibelius enregistrées à la fin de sa vie à Vienne, une hallucinante “Création” de Haydn filmée dans une grandiose église baroque de l’Allemagne du Sud avec une Lucia Popp dans les étoiles et bien entendu les extraordinaires et à juste titre célèbres concerts pour les jeunes. Aucun enregistrement de Bernstein n’est négligeable mais s’il fallait n’en sélectionner que quelques-uns ce seraient d’abord les messes et symphonies de Haydn, tellement plus modernes que celles des interprètes baroques actuellement à la mode, ces symphonies de Chostakovitch de feu et de sang que Bernstein était à l’époque le seul à jouer en occident, bien sûr la musique française (Ravel, Chabrier, Milhaud, Chausson) souvent jouée avec le National, une 9e de Mahler avec Berlin, que beaucoup considèrent comme la plus extraordinaire de toutes, et beaucoup d’autres… Et comment ne pas penser à ces quelques interprètes avec les lesquels il développera une relation particulière, en premier lieu Christa Ludwig qui disait “Karajan on l’admirait, Bernstein on l’aimait”. Mais l’immense chef d’orchestre ne doit pas faire oublier le compositeur de génie donnant pour l’éternité plusieurs chefs d’œuvre si différents, le “West Side Story” bien entendu (le making of West Side Story en DVD dans lequel José Carreras se fait passer un sacré savon est un petit bijou), mais aussi ce poignant “Kaddish”, cet incroyable exercice de style qu’est le Divertimento, le Candide,
hommage à la culture française tant aimée, “Wonderful Town” divinement enregistré il y a quelques années à Birmingham par Simon Rattle, et tant d’autres pièces. Mais, en fait, rien de ce qu’a laissé Bernstein ne laisse indifférent. A noter également un coffret Medici Arts de cinq DVD dont un avec le National dans Franck et Milhaud alors que les autres sont dédiés à Brahms, Bruckner, Mozart et Beethoven. Ainsi qu’un coffret DGG de sept CD dédié à Bernstein compositeur avec notamment les trois symphonies. Sur le site qui lui est consacré, vous pourrez aussi acheter un T-shirt “Leonard Bernstein” pour 15 dollars…
Leonard Bernstein vit pour toujours dans le cœur de beaucoup de musiciens et de mélomanes. Très rares sont les musiciens de notre époque à la hauteur du musicien Bernstein. Quant à l’homme Bernstein…
Gilles Lesur, 12/10/2010
Leonard Bernstein, American original, Burton Berstein et Barbara B. Haws, Harper Collins Publishers, Septembre 2008.