Le « Service sacré » d’Ernest Bloch (1880-1959)
Né à Genève en 1880 dans une famille juive non pratiquante, Ernest Yitzhak Bloch étudie le violon avec Eugène Ysaÿe à Bruxelles et la composition en Allemagne, à Francfort. Après avoir rencontré en 1905 Edmond Fleg, écrivain nationaliste juif, il a la révélation de sa judaïté et sera considéré plus tard comme un chantre d’Israël. Plusieurs échecs professionnels le conduisent à émigrer.
Il s’installe en 1916 aux Etats-Unis, d’abord à Cleveland puis à San Francisco et prendra la nationalité américaine en 1924. Rien n’a vraiment été fait pour la connaissance de ce musicien même en cette année du cinquantenaire de sa disparition. Pourtant son œuvre est vaste, variée et de qualité. La seule pièce connue de Bloch est le « Schelomo » pour violoncelle et orchestre datant de 1916. Le reste de l’œuvre de ce compositeur est complètement passé à la trappe. Pourtant, le « Service sacré » est une œuvre très attachante et l’on s’étonne qu’elle ne soit que très rarement entendue en France.
Créée en janvier 1934 elle utilise un grand orchestre, un grand chœur avec un baryton solo et quelques interventions solistes provenant du chœur. Toute l’œuvre est baignée d’une belle lumière recueillie et touchante qui n’est pas sans rappeler celles des grands oratorios du début du siècle comme, par exemple, « The dream of Gerontius » d’Elgar. Le texte y est pour la plus grande part en hébreu et, dans la cinquième pièce, l’hébreu est associé à l’anglais. Le climat oriental de cette musique évoque par instants « Le Roi David » d’Honegger ou le « Samson et Dalila » de Saint-Saëns. La place du chœur est prédominante et l’écriture polyphonique prend par moments des accents très originaux. Six parties se succèdent évoquant l’attachement à Israël, le Dieu éternel, Moïse et Jacob, les enfants d’Israël, la fraternité et la paix, en d’autres termes « cette âme complexe, ardente, agitée, que la bible fait vibrer en moi » disait Bloch lui-même. Darius Milhaud écrivit en 1947 une œuvre sur la même thématique qui fût également créée à San Francisco. Comme le disait Bloch lui-même « bien qu’il soit intensément juif dans ses origines, le message de ce Service sacré me semble avant tout être un don d’Israël à l’humanité tout entière ». On ne saurait dire mieux et on espère que cette très envoûtante musique soit enfin connue du plus grand nombre.
Gilles Lesur, 2/11/2009
Conseil discographique: Parmi les enregistrements disponibles, celui du London Symphony Orchestra avec The Zemel choir (Antony Saunders, chef de chœur) et Louis Berkman, tous dirigés par Geoffrey Simon (Chandos) est très réussi. Parmi les autres enregistrements qui seraient disponibles l’un a été réalisé en Afrique du Sud sous la direction de Elli Jaffe et l’autre à Londres avec le London Philharmonic Orchestra et sous la direction du compositeur. Les enregistrements de Léonard Bernstein avec le New York Philharmonic, publié chez Sony dans la collection « The Royal Edition » illustrée de dessins du Prince de Galles et celui de Zubin Mehta avec l’orchestre Philharmonique d’Israël et Thomas Hampson sont également magnifiques.
Depuis la rédaction de cette chronique en 2009, le Service Sacré de Bloch a été donné à la Grande Synagogue de Paris le 10 mai 2012 par Laurent Naouri, le chœur et l’orchestre Colonne sous la direction de Laurent Petitgirard. Il se trouve que la création française eut lieu dans cette Grande Synagogue, le 19 janvier 1937, qui plus est, par l’Orchestre Colonne sous la direction du compositeur…