Un Falstaff de Maîtres

Falstaff, l’ultime opéra de Guiseppe Verdi, a fait ces jours-ci son entrée au répertoire du Choeur de l’Orchestre de Paris. Et pour le plus grand bonheur des quelques 50 heureux chanteurs participant à cette production exceptionnelle, donnée 2 fois en version de concert, sous la direction inspirée et vibrante de Daniel Harding.

Falstaff est une œuvre à part dans la production de Guiseppe Verdi, on le sait composée par un homme de 80 ans encore et toujours amoureux de la vie. Avec l’aide de son complice Arrigo Boïto, avec lequel Verdi a déjà travaillé pour Otello, il compose une œuvre atypique, foisonnante, novatrice au point que certains y voient l’un des premiers opéras modernes. Et comme ils ont raison. Point d’arias, un flux permanent de musique, un orchestre plus que jamais personnage à part entière, des ensembles qui évoquent Rossini, des citations du Don Giovanni de Mozart, tout est ici juste et passionnant. Et la fugue finale, durant laquelle le choeur rejoint l’ensemble de l’effectif, toute d’énergie et de rythme, est un incroyable moment de bonheur.

Pour l’occasion, Daniel Harding, qui aime cette musique déjà souvent dirigée, notamment à la Scala en 2013 dans la mise en scène de Laurent Pelly et en janvier dernier à Munich en version de concert, a réuni une distribution exceptionnelle, probablement actuellement insurpassable, dominée par LE Falstaff du moment, l’incroyable Ambrogio Maestri (ici en photo en costume de scène). Tout y est dans sa composition, avec une voix puissante, homogène, riche et à la projection rare, une connaissance inouïe de la partition et un engagement vocal et interprétatif qui confine à l’exceptionnel. Le reste du plateau est lui aussi superlatif, de l’Alice grande organisatrice de Barbara Fritolli, à la Nanetta poétique et touchante de Lisette Oropesa, en passant par le Ford à la voix d’airain et à l’incroyable abattage de Christopher Maltman. Mais c’est toute la distribution qu’il faudrait louer tant la réussite musicale est au plus haut niveau et sans aucun point faible. On lira par exemple ici le commentaire, à juste titre élogieux, de Vincent Guillemin http://www.altamusica.com/concerts/document.php?action=MoreDocument&DocRef=6346&DossierRef=5812

De plus et grâce à une mise en espace intelligente et simple, conçue par Barbara Fritolli, qui utilise l’ évidente complicité humaine et musicale de cette équipe exceptionnelle d’artistes, le résultat visuel est à l’image de l’interprétation musicale : drôle, tonique, rythmé et jubilatoire !

A la baguette Daniel Harding, manifestement heureux, veille au grain, canalise l’Orchestre de Paris, qui sonne précis et réactif, devenant un acteur de premier plan de cette farce.

Un déjà grand et incroyable souvenir ! Tutto le mondo e burla !

Gilles Lesur, le 2/10/2017

Philharmonie de Paris, 29 septembre et 1er octobre

Falstaff, commedia lirica en trois actes (1890) de Giuseppe Verdi (1813-1901)

Livret d’Arrigo Boïto d’après les Joyeuses Commères de Windsor et King Henry IV de Shakespeare

Ambrogio Maestri (Falstaff), Christopher Maltman (Ford), Andrew Staples (Fenton), Riccardo Botta (Dr Cajus), Kevin Conners (Bardolfo), Mario Luperi (Pistola), Barbara Frittoli (Mrs Alice Ford), Teresa Iervolino (Mrs Quickly), Lisette Oropesa (Nanetta), Laura Polverelli (Meg Page)
Chœur de l’Orchestre de Paris (chef de choeur : Lionel Sow), Orchestre de Paris, direction : Daniel Harding

Votre serviteur et son ami Frédéric Pineau auprès du héros du jour Ambrogio Maestri à l’issue de la première répresentation de Falstaff