Le concert de Paris 2014

Le concert de Paris initié par Bertrand Delanoë en 2013 et très soutenu cette année par Anne Hidalgo est en train de devenir un évènement. Pour ceux qui ne le savent pas, il s’agit du concert de musique classique gratuit organisé au pied de la Tour Eiffel et qui précède le feu d’artifice du 14 juillet. Circonstances obligent, ce concert était dédié à la mémoire de Lorin Maazel décédé la veille et qui fut directeur de l’Orchestre National de France de 1977 à 1991.

Le principe de ce concert est simple : réunir une grande partie des forces musicales de Radio France, en l’occurrence l’Orchestre National de France, le Chœur et la Maîtrise dirigés par le directeur musical de l’Orchestre National de France, Daniele Gatti et jouer des tubes en invitant les plus grands chanteurs du moment comme Anna Netrebko, Piotr Beczala, Elina Garanca, Olga Petryatko, Laurent Naouri et Nathalie Dessay. Juan Diego Florez, souffrant, était pour l’occasion remplacé par le ténor anglais Lawrence Brownlee.

Premier constat réjouissant, le public était au rendez-vous puisqu’on parle de 800 000 personnes sur place et de 2 millions de spectateurs sur Fr2 qui retransmettait l’évènement en direct, sans parler des nombreux spectateurs des pays étrangers dans lesquels ce concert était retransmis, y compris cette année la Chine, l’Ukraine et la Corée du Sud. Certes on peut toujours dire que le public était plutôt venu pour le feu d’artifice mais tout de même 800 000 personnes ce n’est pas rien. On y a même aperçu, outre Mme Hidalgo toute de blanc vêtue, MM Hollande et Valls.

Deuxième constat, la programmation festive et variée a été un succès. Quel plaisir d’entendre « La garde montante » de Carmen avec la Maîtrise de Radio France et ce grand machin qu’est l’Ouverture 1812 de Tchaïkovski (qui cite la Marseillaise) avec le Chœur de Radio France. Quant aux pièces avec solistes également bien choisies, elles permettaient notamment d’entendre « Celeste Aida » et « E luchevan leste », chantés par Piotr Beczala un brillant ténor polonais habitué du Met et « J’aime les militaires », magnifiquement interprété par Elina Garanca. Lawrence Brownlee a lui triomphé dans le fameux air à 10 contre-uts de la Fille du régiment de Donizetti chanté dans un excellent français. Quant au duo extrait de Lakmé avec Olga Peretyatko et Elina Garanca, il fut un autre grand moment d’émotion. Anna Netrebko a quant à elle fait la diva dans le « Mama morta » extrait de l’Andrea Chénier de Giordano. Seule réserve, Natalie Dessay et Laurent Naouri non convaincants à la fois dans le « Bist du bei mir » de Gottfried Heinrich Stotzel, sans doute le seul vrai mauvais choix de cette soirée, et dans un extrait des Parapluies de Cherbourg. Quant à Daniele Gatti, même s’il était manifestement heureux d’être là, il n’a pas toujours réussi et l’Orchestre National de France a clairement montré ses limites notamment dans une « Chevauchée des Walkyries » dont la place n’était sans doute pas en un tel concert.

Troisième constat, Berlioz est en passe de devenir (enfin !) populaire dans son pays (merci Sir Colin Davis!) puisque la marche hongroise de la “Damnation de Faust” ouvrait ce concert qui se terminait par la Marseillaise orchestrée par Berlioz et chantée par tous les participants à ce concert. Enfin, si l’impression sonore à partir de son écran de télévision était médiocre, la qualité sonore sur place (et sans doute sur France Musique qui retransmettait le concert) était au niveau de l’enjeu.

Le feu d’artifice qui a suivi était également fort réussi. Magnifiquement mis en images, il permettait de voir de superbes vues aériennes d’un Paris au ciel complètement dégagé et qui ce soir-là était sans aucun doute la plus belle ville du monde. Ce feu d’artifice nous a même permis d’entendre la Pavane de Fauré (dans sa version avec chœur !), l’Introït et le Dies Irae du Requiem de Mozart (dans une version non baroque…ouf!) et pour terminer l’hymne à la joie de Beethoven, en conclusion naturelle d’un feu d’artifice placé sous le signe des 100 ans du début de la guerre 14/18.

Enfin, une mention spéciale doit être adressée à Stéphane Bern qui présentait avec le professionnalisme et la bonne humeur qu’on lui connait ce concert. Nous avons ainsi évité les erreurs et banalités de présentateurs moins cultivés et non travailleurs….Et pourtant tout perché qu’il était loin du plateau et semble-t-il sans écran de contrôle, il a du bien souvent s’adapter au rythme imprévisible de cette folle et belle soirée.

Un beau succès donc à mettre au crédit de la volonté de Mme Hidalgo et aux forces conjointes de Radio-France et de France-Télévisions. Ce succès montre une nouvelle fois que la musique classique est populaire lorsqu’elle est accessible. Et c’est le devoir des politiques et des musiciens que de la rendre plus accessible encore et ce au plus haut niveau artistique car l’excellence est plus facile à faire partager. A six mois de l’ouverture de la Philharmonie de Paris, on se plaît à rêver que Mme Hidalgo parvienne à y faire organiser durant l’été des concerts à des tarifs accessibles à tous. Ces « Proms » à la française qui restent à inventer combleraient enfin le désert musical qu’est Paris pendant l’été à un moment où des millions de touristes y séjournent.

I have a dream !

 Ce concert est visible sur www.culturbox.francetvinfo.fr