Le choeur symphonique de Birmingham

La venue à Paris du Chœur et de l’Orchestre Symphonique de Birmingham pour un «War Requiem» en juin 2013 au Théâtre des Champs Elysées sous la direction d’Andris Nelsons était un événement attendu. Ce concert a donné lieu à quelques commentaires élogieux tout à fait justifiés sur le chef, l’orchestre, les solistes notamment Mark Padmore, d’une émotion à couper le souffle, et une fois n’est pas coutume sur les chœurs («chœur stupéfiant», «impressionnant», «de très haute tenue»).

Deux chœurs étaient réunis pour l’occasion, la Maîtrise de Radio-France préparée magistralement par Sofi Jeannin et le chœur de l’Orchestre symphonique de Birmingham préparé par son chef, Simon Halsey. Si Sofi Jeannin a eu droit à son nom dans deux des commentaires, tel ne fut pas le cas pour le grand Simon Halsey. Le choeur de Birmingham a même été pris pour celui de Radio France.. ce qui n’est pas nécessairement un compliment. Que l’on ne s’étonne donc pas, dans un pays dont les journalistes spécialisés ne semblent toujours pas avoir compris que chef de chœur était un métier, qu’un chœur de 120 personnes comme le choeur de l’Orchestre Colonne, puisse disparaître du jour au lendemain sans que personne ne lève le petit doigt… Et alors même que le chœur de l’Orchestre symphonique de Birmingham a montré lors de cette représentation une justesse, une précision, une diction et une musicalité exemplaires, sans parler de la tenue sur scène, elle aussi exemplaire et qui témoigne d’un sens du collectif qui participe du résultat musical. Ce chœur est apparu capable des nuances les plus extrêmes depuis des pianissimi d’une incroyable beauté (et justes !) jusqu’à un Sanctus flamboyant. L’extraordinaire niveau de ce chœur amateur, supérieur à celui de bien des chœurs professionnels, donne envie de creuser son histoire (non sans surprise et coïncidence..) et de s’intéresser de près à son mode de fonctionnement.
Le City of Birmingham Symphony Orchestra Chorus («CBSO chorus»), en français chœur de l’Orchestre symphonique de Birmingham, est le chœur amateur attitré de l’Orchestre symphonique de Birmingham, un orchestre professionnel fondé en 1920. Première surprise, le chœur a été fondé en octobre 1973 (il vient donc de fêter ses 40 ans) à la demande du directeur musical de l’époque, le français Louis Frémeaux…Puis en 1983, un certain Simon Rattle nommé directeur de l’orchestre en 1980, décide de donner un nouvel élan au chœur et il fait alors appel à Simon Halsey. Ce fils de chef de chœur, né en 1958, ancien membre du New College, Oxford et du King’s College, Cambridge, a étudié avec Simon Rattle au Royal College of Music, London. Ils sont devenus amis et…le sont toujours. Seconde surprise, trente ans après et alors que Simon Rattle a été remplacé en 1998 par Sakari Oramo, puis en 2008 par Andris Nelsons, Simon Hasley est toujours chef du chœur de l’Orchestre symphonique de Birmingham. Ce qui ne l’a pas empêché entre temps de devenir chef du chœur de la Radio Hollandaise (1997-2008), puis, à demande de Simon Rattle, de la Radio de Berlin depuis 2001 et ce jusqu’en 2016 (Rattle quittera Berlin en 2018) et de prendre en mai 2012, à la demande de Valery Gergiev, la direction du chœur de l’Orchestre Symphonique de Londres. Enfin, belle coïncidence, Simon Halsey a croisé et apprécié Arthur Oldham à Glasgow quand il y était directeur des chœurs de l’Opéra (1966-1974) et surtout plus tard au London Symphony Chorus, qu’Arthur Oldham a dirigé de 1969 à 1977. Une fois ces éléments évoqués, intéressons nous à l’incroyable histoire de ce chœur amateur à vocation symphonique, actuellement l’un des meilleurs avec “Orfeón Donostiarra” et le “Wiener Singverein”.
D’autres exemples le montrent et, même si cela est moins dit que pour les orchestres, un bon chœur c’est d’abord un bon chef de chœur. Après tout pourquoi en serait-il autrement alors qu’il est aussi question de timbre, de nuances, d’écoute mutuelle, de polyphonie et de réactivité ? En cela, les chanteurs de Birmingham sont gâtés car Simon Halsey est l’un des meilleurs chefs de chœur du moment. Le voir et l’entendre répéter est un vrai bonheur en même temps qu’un spectacle. Il réunit toutes les qualités nécessaires à ce métier, d’abord techniques (compétence, exigence, connaissance du répertoire, organisation du travail) et aussi humaines, avec un mélange d’autorité naturelle, d’humour (anglais, of course!) et d’empathie sans lequel la technique ne sert à rien. Il y ajoute en permanence cette joie, reflet de sa passion pour la musique, dont les amateurs ont particulièrement besoin et sans laquelle toute musique tourne à vide. De plus, Simon Halsey possède une double culture, celle du chœur amateur et celle du chœur professionnel, ce qui est une évidente richesse. Il lui arrive même de demander aux chanteurs professionnels de chanter avec la passion des amateurs… Et avec ses désormais célèbres et réguliers «Mitsingkonzert», qui réunissent à Berlin depuis 2003 une fois par an de nombreux chanteurs amateurs et le Chœur de la Radio de Berlin, il met en pratique ce mélange, encore trop souvent tabou dans notre pays. L’objectif premier est alors de permettre aux amateurs de progresser en se confrontant à l’excellence. Il endosse pour l’occasion et avec brio, son autre casquette, celle de chef d’orchestre, et n’hésite pas à programmer dans le cadre de ces concerts participatifs ouverts à tous des œuvres exigeantes, comme en 2011 le «War Requiem», qu’il affectionne particulièrement, en 2013 «Le Messie» dans la version de Mozart ou bientôt en mai 2015 le Requiem de Verdi. Ces concerts ont de plus en plus de succès et les inscriptions, pourtant ouvertes à près de 1000 personnes, sont closes en quelques heures. Simon Halsey a déjà exporté ce concept en Turquie (Carmina Burana à Aspendos en 2011), en Hongrie (Requiem de Mozart à Budapest en mai 2014) et bientôt à Vienne (Messe de Schubert, mai 2016). Un concert de ce type autour de la Création de Haydn à été organisé à Londres en  2014 et un autre en février 2015 autour du Requiem de Duruflé. Car comme tout anglais qui se respecte Simon Halsey aime la musique française …
Le «CBSO chorus» est une large structure composée de plusieurs ensembles : le chœur d’adultes qui comprend actuellement 185 chanteurs, un chœur de jeunes pour les 13-21 ans et un chœur d’enfants pour les 8-13 ans. Ces deux chœurs de jeunes créés par Simon Halsey en 1990 servent naturellement de vivier pour le renouvellement du chœur d’adultes. Simon Halsey est aidé dans sa tâche de préparation par 2 chefs assistants, Julian Wilkins, également pianiste du chœur et chargé des chœurs de jeunes, et David Lawrence. Il y a une répétition par semaine sauf à l’approche des concerts où une seconde répétition et/ou du travail durant le week-end est ajouté. Les chanteurs ayant déjà chanté tel ou tel programme peuvent se voir dispenser d’une partie des répétitions. Les chanteurs sont auditionnés à l’entrée et tous les 2 ans pour les moins de 50 ans et tous les ans pour ceux de plus de 50 ans…Pour ces auditions, Simon Halsey est assisté par un «coach vocal» qui prend également en charge une fois par semaine les chanteurs admis dans le chœur. Le «CBSO chorus» c’est également des programmes destinés aux jeunes de la région de Birmingham, qui n’est pas la plus favorisée de Grande-Bretagne. Le «CBSO chorus» c’est aussi de nombreux et prestigieux déplacements à l’étranger liés à la volonté de son chef mais aussi des directeurs musicaux successifs de l’orchestre qui ont toujours considéré que le chœur faisait partie de l’institution. Ces représentations permettent au chœur de progresser et de gagner en cohésion au travers d’expériences multiples et lui permettent aussi d’entrer dans un cercle vertueux «plus le chœur se produit, meilleur il devient». Parmi les déplacements les plus marquants, on retiendra une huitième symphonie de Mahler à Sydney en 2000 pour l’ouverture des Jeux Olympiques, une seconde symphonie de Mahler à Hong-Kong en 2006, la seconde exécution en Finlande de «The Dream of Gerontius» d’Elgar en 2004, le «War Requiem» donné en 2012 à Coventry, et en 2014 pour la commémoration du début de la première guerre mondiale, trois programmes donnés au Festival de Lucerne en 2012, dont un avec le Concertgebouw d’Amsterdam sous la baguette de Mariss Janssons, et en 2014 un Elias de Mendelsohn donné à plusieurs reprises en Allemagne. A cela, il faut bien entendu ajouter de multiples participations aux Proms de Londres qui permettent à cet ensemble de collaborer avec tous les plus grands chefs et les plus grands orchestres de passage à Londres. A l’occasion, Simon Halsey se transforme en chef d’orchestre, ce qui permet encore plus de concerts et de déplacements avec le chœur. Il a aussi remplacé à la dernière minute Andris Nelsons malade lors d’un concert donné en Allemagne à l’été 2012, dirigeant rien moins que les 2 derniers mouvements de la symphonie «Résurrection». C’est aussi grâce à une volonté des directeurs musicaux successifs que le chœur a participé à de nombreux enregistrements. Une neuvième de Beethoven réalisée à Vienne avec l’Orchestre Philharmonique de Vienne, une symphonie «Résurrection» toujours considérée comme une des versions de référence, une symphonie des Mille réalisée à Londres, «Le Roi Roger» et le «Stabat Mater» de Szymanowski, plusieurs enregistrements des œuvres d’Elgar et bien d’autres encore, la plupart sous la direction de Simon Rattle, sont des témoins très convaincants de l’incroyable niveau et adaptabilité de ce chœur d’exception.
En résumé, un très bon chœur symphonique comme l’est celui de l’Orchestre symphonique de Birmingham c’est d’abord un très bon chef de chœur, un chef investi dans son rôle et dans la durée, un chef soutenu par le directeur musical, une vision à long terme notamment en matière de renouvellement des effectifs, une programmation riche et variée, une souplesse dans les effectifs et de grands projets fédérateurs. Vous y rajoutez une salle de concerts, moderne et adaptable à tous types de concerts, avec une belle acoustique comme l’est le Birmingham Hall inauguré en 1991 et tout est prêt pour l’excellence. Et tout ce résultat en seulement 40 ans. Comme quoi tout espoir est permis… suivez mon regard !

Gilles Lesur

Celles et ceux qui veulent en savoir plus sur le chœur et l’orchestre symphonique de Birmingham peuvent aller visiter le site www.cbso.org.
Le «War Requiem» enregistré et filmé à Coventry pour les 50 ans de la création de l’œuvre en 2012 est disponible en DVD chez Arthaus Musik. Il a été récompensé d’un Diapason d’Or et est à acquérir d’urgence par tous ceux et celles qui aiment cette œuvre unique. La distribution est exceptionnelle et le chœur y est… excellent, of course ! Le chœur d’enfants est le «CBSO Youth Chorus» que dirige, depuis le fond de la cathédrale, Simon Halsey lui-même.
Par ailleurs, Simon Hasley a publié en 2011 chez Shott un livre intitulé “Chorleitung : von Konzept zum Konzert” comprenant 2 DVD (en bilingue anglais/allemand) sur l’art de la direction chorale qui est passionnant. D’abord édité en allemand, il devrait bientôt l’être en anglais.
La plupart des enregistrements du «CBSO Chorus» sont publiés chez EMI.

Je remercie chaleureusement Mike Flower, le manager du «CBSO Chorus», qui a très gentiment et avec exhaustivité répondu à mes questions.