Le bon génie de Québec

Le chef québécois Yannick Nézet-Séguin était de passage à la Philharmonie de Paris en cette première fin de semaine de décembre 2017. Autant le dire tout de suite ce fut Noël avant Noël tellement ces moments furent émouvants, joyeux et de qualité.

Yannick Nézet-Séguin était accompagné, non par l’Orchestre de Rotterdam ni celui de Philadelphie, 2 ensembles dont il est le directeur musical, mais par l’Orchestre Métropolitain, un ensemble basé à Montréal à ne pas confondre avec l’Orchestre symphonique de Montréal dirigé par Kent Nagano.

C’était la première fois que l’Orchestre Métropolitain de Montréal, fondé en 1981 et dirigé par Yannick Nézet-Séguin depuis 2000, quittait le Canada pour une tournée européenne passant par Dortmund, Cologne, Amsterdam, Rotterdam, Hambourg avant de se terminer à Paris. Deux programmes construits sur la bi gémellité des québécois, sujets canadiens, étaient prévus en alternance, Paris étant la seule ville où les 2 programmes ont été donnés, d’ailleurs à guichets fermés car le public parisien aime depuis longtemps ce chef hors du commun. Le seul regret au regard de ces concerts fut que les 2 pièces contemporaines, commandées à des compositeurs québécois (Pierre Mercure, Eric Champagne) pour cette tournée, ne furent pas jouées à Paris.

Vous trouverez ici un compte-rendu du premier concert

http://www.concertonet.com/scripts/review.php?ID_review=12776

durant lequel l’Orchestre Métropolitain de Montréal s’est avéré du niveau des meilleurs orchestres actuels avec des musiciens d’une concentration fascinante à voir et offrant à un public conquis un évident plaisir de jouer et de partager. Yannick Nézet-Séguin fut ce soir-là égal à lui-même, à savoir engagé, subtil, précis, élégant et généreux, notamment dans un Concerto pour la main gauche de très haute volée donné avec Alexandre Tharaud et dans une Mer de Debussy d’anthologie.

Impossible donc de ne pas revenir le lendemain ce d’autant qu’on y trouvait à l’affiche Marie-Nicole Lemieux et le violoncelliste français, né au Québec, Jean-Guihen Queyras. Ce second concert débutait par des Nuits d’Eté élégiaques à souhait chantées par le contralto québécoise avec la passion et le talent qu’on lui connaît. Yannick Nézet-Séguin lui offrait un accompagnement subtil et précis qui mettait en évidence la richesse et la finesse de cette musique. Malgré la présence inouïe de Marie-Nicole Lemieux, Yannick Nézet-Séguin parvenait à construire une interprétation en équilibre parfait avec la chanteuse. Un chef capable d’une telle osmose musicale et interprétative avec un chanteur ne peut être qu’un excellent chef d’opéra ce que les responsables du Metropolitan Opera de New York ont compris bien avant d’autres en le choisissant comme directeur musical à partir de 2020.

Dans le concerto pour violoncelle n°1 de Saint-Saëns qui suivait, Yannick Nézet-Séguin parvenait à illuminer cette musique bien écrite, mais pas réellement marquante, d’un éclairage nouveau. On se surprenait même à penser : mais quelle belle musique tout de même ! Jean-Guihen Queyras y était subtil, précis et raffiné comme à son habitude. Et ici aussi l’entente et la complicité entre les deux artistes était au rendez-vous.

Pour finir ce second concert les musiciens québécois avaient choisi, en écho au premier programme, les Variations Enigma d’Edward Elgar. Et toute la splendeur de ce magnifique orchestre pouvait ainsi s’exprimer dans un registre différent et plus spectaculaire. Les enchaînements semblaient naturels, les nuances extrêmes étaient parfaitement maitrisées, les contrastes saisissants, en un mot c’était du très grand art. L’accueil très chaleureux du public à l’issue d’une tournée qui fut également triomphale en Allemagne et aux Pays-Bas a beaucoup ému les musiciens et leur chef qui versèrent même une petite larme après cette folle semaine.

En rappel (comme disent nos amis québécois), la Pavane pour une infante défunte de Ravel fut un autre moment de grâce, le cor solo Louis-Philippe Marsolais s’y couvrant de gloire comme la petite harmonie qui sonnait à l’égal de celle du Concertgebouw Orchestra… c’est tout dire !

A l’issue du second concert Yannick Nézet-Séguin se livrait avec sa bonne humeur, sa gentillesse et sa patience habituelles à une séance de dédicace qui fut un moment très cordial, chaleureux et ….même familial. Il se disait déjà que ces musiciens rares et leur charismatique chef seraient de nouveau invités à la Philharmonie de Paris. La prochaine fois ne les ratez pas !

Gilles Lesur, le 5 décembre 2017

1 et 2 décembre 2017, Philharmonie de Paris, Grande salle Pierre Boulez, Stéphane Tétreault (Concerto pour violoncelle d’Elgar), Alexandre Tharaud (Concerto pour la main gauche de Ravel) (1/12), Marie-Nicole Lemieux (Les Nuits d’été, Berlioz) Jean-Guihen Queyras (Concerto pour violoncelle n°1, Saint-Saëns) (2/12), Orchestre Métropolitain de Montréal, direction : Yannick Nézet-Séguin

Ces concerts sont désormais visibles ici https://live.philharmoniedeparis.fr/ pendant plusieurs semaines.