Depuis mes dernières rubriques (26/11/2013 et 29/04/2014 section “Echos et ruades”), la valse des chefs s’est encore accélérée. Si Simon Rattle quittera bien l’orchestre Philharmonique de Berlin en 2018 (pour Londres…), le nom de son successeur ne sera officiellement annoncé qu’en mai 2015. Il est toutefois bien difficile de se risquer aujourd’hui sur le nom du futur directeur de ce qui reste le meilleur orchestre du monde. Il est à noter qu’Andris Nelsons, un temps donné parmi les favoris et qui vient de prendre ses fonctions à Boston, a fait savoir qu’il se sentait trop jeune pour le poste… Une modestie qui honore cet extraordinaire et charismatique chef qui quittera à l’été 2015 l’Orchestre de Birmingham actuellement sans successeur désigné.
Par ailleurs, on vient d’apprendre que Daniele Gatti prendra la succession de Mariss Jansons en 2016 au Concertgebouw d’Amsterdam, un poste prestigieux pour un chef qui avait précédemment espéré, sans succès, la direction de l’Orchestre de Boston ou de la Scala. Il obtient plus qu’un lot de consolation avec l’un des 3 meilleurs orchestres du monde. Il est vraisemblable qu’il quittera donc bientôt l’Orchestre National de France.
En France, plusieurs postes de directeurs musicaux vont bientôt se libérer. Non seulement Paavo Järvi quittera l’Orchestre de Paris en juin 2016, mais Jean-Claude Casadesus, qui aura 80 ans en 2015, laissera lui aussi et au même moment le poste de directeur musical de l’Orchestre National de Lille. Dans un monde où tout s’accélère il aura, comme son compatriote Michel Plasson à Toulouse, régné sur les destinées de « son » orchestre pendant près de 30 ans. Il ne devrait pas y avoir d’autre changement dans les principaux orchestres français de région (Lyon, Bordeaux, Strasbourg, Orchestre National des Pays de Loire), toutes structures au sein desquelles les chefs sont récemment arrivés.
Par ailleurs, Tugan Sokhiev vient d’annoncer qu’il mettra fin en 2016, après un unique mandat de 4 ans, à ses fonctions à la tête du Deutsches Symphonie Orchester de Berlin. On espère donc que son contrat à la tête de l’Orchestre National du Capitole de Toulouse sera prolongé après 2016. La construction à Toulouse d’un auditorium pourrait, s’il était acté, inciter Tugan Sokhiev à cette prolongation. Une telle décision serait la reconnaissance du formidable travail effectué par Sokhiev et ses musiciens qui exercent leur art dans des conditions difficiles à la Halle aux Grains qui, comme son nom l’indique, n’est pas une salle de concert. Et l’Orchestre du Capitole est tout de même devenu depuis quelques années un des meilleurs ensembles symphoniques français.
On a également appris récemment la prolongation du contrat de Vladimir Jurowski au London Philharmonic Orchestra (il y est directeur depuis 2007), celui de Franz Welser-Möst, démissionnaire de l’opéra de Vienne, à Cleveland jusqu’en 2022 (!), la nomination de Fabio Luisi à l’Orchestre Royal du Danemark à Copenhague à partir de la saison 2015/2016 et de Susanna Mällki au Philharmonique d’Helsinki à l’automne 2016.
Revenons pour finir à la situation parisienne. On vient d’apprendre l’arrivée début juillet 2015 à l’Orchestre de chambre de Paris de Douglas Boyd en remplacement de Thomas Zehetmair qui avait beaucoup déçu. Enrique Mazzola, le charismatique chef de l’Orchestre National d’Ile de France depuis la saison 2012/2013, vient de faire savoir que lui, sous-entendu contrairement à d’autres, restait au moins jusqu’en 2019. Car, les postes de directeur musical de l’Orchestre de Paris et de l’Orchestre National de France seront eux libres en 2016. A l’Orchestre de Paris, il n’y a aucune fuite vraie sur les éventuels prétendants et à l’Orchestre National les tractations ne vont pas tarder à commencer vu le prochain départ de Daniele Gatti pour Amsterdam. Quant aux difficultés de rentrée au Philharmonique de Radio France suite au renvoi du directeur artistique Eric Montalbetti, elles semblent se résoudre et le très talentueux Mikko Franck devrait donc arriver comme prévu en septembre 2015. Car il va falloir tout de même inaugurer le nouvel auditorium de Radio France (le 14/11/2014) puis la Philharmonie de Paris (le 14/1/2015) et surtout, au delà de ces dates symboles, les remplir et les faire fonctionner. Et pour cela il faudra des chefs, des bons, des généreux, des enthousiastes, des convaincus, des passionnés, des qui ont envie de construire, en un mot des chefs du XXI° siècle !
A n’en pas douter donc, une valse à plus de trois temps et à suivre de près… Vous pouvez compter sur moi.
Gilles Lesur