La huitième symphonie, dite des Mille, oeuvre démesurée d’un homme de 50 ans fût de son vivant le seul triomphe de Gustav Mahler compositeur. Créée à Munich le 12 décembre 1910 par 858 choristes et 171 instrumentistes sous sa direction, elle est très rarement donnée en France. La meilleure preuve en est que le chœur de l’Orchestre de Paris la mettait ces jours-ci à son répertoire. Arthur Oldham en parlait souvent mais aucun des projets initiés ne fut mené à son terme. Quant à l’Orchestre de Paris, la dernière fois qu’il a joué cette œuvre c’était le 30 juin 1975 au Palais des Congrès pour les adieux de Solti et en cette circonstance déjà des chœurs étrangers avaient été engagés. Il s’agissait du New Philharmonia chorus dirigé par Norbert Balatsch, un des légendaires chefs des chœurs de Bayreuth, et déjà du Wiener Singverein préparé à l’époque par Helmut Froschauer. Les chœurs d’enfants réunissaient le célèbre Tölzen Knabenchor et les chœurs d’enfants de Paris. Parmi les solistes, on retrouvait notamment Lucia Popp, Nadine Denize, John Shirley-Quick, Robert Tear, Helen Watts ou Christiane Eda-Pierre.
Pour cette production 2008, événement phare des 40 ans de l’Orchestre de Paris, il n’y aura à Bercy qu’un seul concert. Le second initialement prévu a été annulé et les raisons financières officiellement invoquées ne trompent personne. Seize mille places pour une œuvre peu connue programmée pendant les congés scolaires ne se vendent pas sans une vraie campagne publicitaire. Dommage vu l’investissement artistique, logistique et financier. Le Wiener Singverein, dirigé depuis 1991 par Johannes Prinz, ancien soliste des petits chanteurs de Vienne à la belle allure, et le LSO Chorus dirigé depuis 2001 par Joseph Cullen, à la cravate jaune poussin, ont été invités à se joindre au chœur de l’Orchestre de Paris.
Le premier contact dans la salle Marcel Cerdan est excellent : ambiance détendue, sourires complices, recherche dans la bonne humeur de sa place numérotée, accueil en 3 langues grâce à notre polyglotte Christopher Hyde, présentation respective des chefs. Ce qui frappe à l’évidence c’est que l’âge moyen est sensiblement plus élevé chez nos amis anglais comme viennois. Echauffement vocal rapide mené en douceur par Geoffroy Jourdain et on y va. Le son d’emblée homogène est somptueux, riche, puissant et la justesse naturelle. Christoph Eschenbach semble visiblement très satisfait. Johannes Prinz comme Joseph Cullen circulent parmi leurs troupes, les encourageant tout en plaisantant à l’occasion. Dans mon entourage exclusivement viennois, la maîtrise individuelle et collective est évidente ce qui n’exclut pas quelques discrets bavardages empathiques entre voisins. Tout est en place, les notes, bien entendu, les nuances et le texte. Il y a derrière moi quelques basses profondes qui ronronnent superbement et devant des ténors à la puissance impressionnante. Wunderbar ! Eschenbach explique à l’aide d’un microphone et en anglais ses intentions et à 22h45 l’émotion est palpable dans certains extraordinaires passages du second mouvement. Les enfants, environ 300 à partir du noyau de la Maîtrise de Radio France, sont bien préparés et épatants de justesse et d’engagement. Christoph Eschenbach en oublie même le début du second mouvement si subtil et délicat sur le papier mais en une simple lecture l’affaire est dans le sac. Petit flottement lorsque l’on s’aperçoit que certains passages chantés en petit chœur n’ont pas été clairement repartis. Dès demain, il n’en paraîtra plus rien. On se sépare heureux et excités. Joseph Cullen en bon perfectionniste réunit autour du piano quelques choristes anglaises car un passage ne lui semble pas encore au point. Belle leçon d’humilité. De l’autre coté, Johannes Prinz rassemble ses troupes pour des recommandations… touristiques ? Car nos amis sont jusqu’à vendredi en tournée et donc en vacances. Heureux hommes et femmes ! Vivement demain. Bis morgen.
Gilles Lesur