Mercredi 5 mars au soir, répétition générale. Même sans champagne français, l’ambiance est toujours détendue. Le « réchauffement » est ce soir coordonné par Johannes Prinz, chef de chœur du Wiener Singverein. Pour l’occasion, il a enfilé le gilet et la cravate: la classe ! L’échauffement, plus long que celui de Joseph Cullen hier, est mené en anglais. Il est d’abord très physique puis un peu vocal. C’est un mélange inimitable et drôle d’activités diverses et variée, boxe française (vous visez votre « conductor »…, je vous promets, il l’a dit), stimulation des cuisses et des fesses… et d’applaudissements frénétiques. Derniers réglages des levers et des assis puis en scène. Une fois les chœurs installés, l’orchestre puis les solistes prennent place à partir de l’autre extrémité de la salle. La fête peut commencer. Le premier mouvement sonne beau et fort. La fanfare finale est en place. Ouf ! Le second mouvement déroule ses différents climats sans accroc notable. Après la pause, Eschenbach, voulant se rendre compte par lui-même, confie pendant 3 minutes la baguette à son assistant (l’Orchestre de Paris a donc de nouveau un chef assistant, bonne nouvelle !): ce garçon prénommé David dirige très clairement le début du premier mouvement et… certains auraient volontiers continué avec lui. Les moments jugés mal en place par Eschenbach sont à nouveau travaillés. On se sépare heureux avec la sensation d’être prêt pour le grand jour… demain !
Ca y est, le jour du concert est maintenant venu. L’excitation est à son comble. France Musique en parlait ce matin et on a pu entendre Didier Bouture nous parler de cette symphonie… depuis sa salle de bains. Le rendez-vous de mise en place est retardé d’une heure ce qui laisse du temps aux retardataires pour donner notre unique invitation à un ami, heureux élu. Le raccord est mené comme hier avec énergie, drôlerie et enthousiasme par Johannes Prinz. « Nagez, courez, vous vous sentez jeunes (!), vous bougez dans une boîte disco branchée de Paris, vous applaudissez forte puis pianissimo puis fortissimo ». Belle leçon d’énergie et d’enthousiasme ! Dernières instructions de rentrée sur scène et on y va.
La salle se remplit lentement, elle est presque pleine à 21h. L’orchestre et les solistes prennent place. Et puis le maestro lève la baguette. Quatre-vingts minutes plus tard, la première pensée est d’abord ce grand bonheur d’avoir participé à ce pari un peu fou et… de l’avoir à l’évidence réussi ! En effet, l’accueil du public est chaleureux notamment aux saluts des chœurs. Pas de bis et pour cause… Les enfants courent, crient et se chamaillent à nouveau après ce bel effort de concentration: quoi de plus naturel. On retourne salle Marcel-Cerdan. Les commentaires vont bon train, il y a comme toujours les hyper enthousiastes (c’était beaucoup mieux qu’hier), les simplement contents et heureux mais… aucun mécontent. De notre place, il était impossible d’évaluer le résultat sonore global. Nous nous retrouvons tous autour d’un pot informel et amical à l’évidence apprécié. A la fin de celui-ci, la représentante du Wiener Singverein prend la parole dans un beau français pour, au nom de tous les viennois, remercier de cette invitation à venir chanter à Paris. Elle offre ensuite à Didier Bouture et Geoffroy Jourdain un grand et beau livre publié à l’occasion des 150 ans du Wiener Singverein fêté cette année. A nous pauvres débutants qui en sommes à peine 30 ans ! Au nom de tous ses collègues, elle espère qu’il y aura d’autres collaborations. Applaudissements chaleureux. Tous font le même rêve. Ils entonnent pour nous une chanson populaire viennoise harmonisée, seule œuvre a cappella à leur répertoire… dixit Johannes Prinz lui-même !!!
Des souvenirs différents resteront certainement dans l’esprit de chacun à l’issue de cette semaine. En ce qui me concerne, j’ai adoré cette extraordinaire ambiance de travail dans une grande convivialité pour un résultat de haut niveau, la sensation d’avoir accompli et réussi une belle mission, chanter la Symphonie des Mille et quelques moments inoubliables au hasard les raccords, la première répétition commune des trois chœurs et les rencontres amicales autour d’un verre. Et à l’issue de cette expérience comment ne pas penser à Arthur qui aurait adoré voir ses chers amateurs français chanter avec des amateurs anglais et viennois. Merci a ceux qui ont eu cette belle idée et qui ont mis leur énergie et leur enthousiasme dans sa réalisation. Et un salut amical à Antoine, Louis et Victor, jeunes gens récemment issus de la maîtrise de Radio France qui nous ont accompagné avec talent, humour et bonne humeur durant toute cette aventure. Un seul souhait : chanter à nouveau cette incroyable musique à la Philharmonie de Paris, de Vienne, aux Prom’s ou n’importe où… !
Gilles Lesur
Jeudi 6 mars 2010, Gustav Mahler, Symphonie n°8 dite des Mille, Orchestre de Paris, Chœur de l’Orchestre de Paris (Didier Bouture, Geoffroy Jourdain), Wiener Singverein (Johannes Prinz), London Symphony Chorus (Joseph Cullen), Maîtrise de Radio-France et chœurs d’enfants (Marie-Noëlle Maerten), Marina Mescheriakova, Erin Wall, Marisol Montalvo, Nora Gubisch, Annette Jahns, Nikolai Schukoff, Franco Pomponi, Denis Sedov, Direction : Christoph Eschenbach