La Symphonie des Mille (2)

Suite du premier épisode. Deuxième rencontre mardi soir à Bercy. Elle débute par un pot amical offert aux choristes viennois et anglais. Bon champagne français, cannelés de Bordeaux, excellents financiers et l’inévitable coca-cola. Ambiance festive et détendue. Je fais notamment la connaissance d’Eva, une viennoise qui, répondant à la question “Wie viele Achte ?”, me dévoile un passé musical impressionnant “Sehr viele Achte”… avec Georg Solti en 1975 à Paris, à Saint-Denis en 2002 avec Myun Whun Chung et avec Léonard Bernstein, y compris l’extraordinaire version disponible en DVD. Son mari est chanteur professionnel, jeune retraité des chœurs de l’opéra de Vienne, qui aime toujours chanter en chœur et qui rejoint régulièrement les rangs du Singverein. Il y a aussi parmi les alti… au premier rang, la représentante du Wiener Singverein, à la ville, femme d’un des premiers violons de la Philharmonie de Vienne… et chez les Anglais un George qui chantait déjà dans le chœur quand il était dirigé par Arthur Oldham entre 1969 et 1976. Mais il faut déjà se préparer à regagner la scène. Ce soir, Joseph Cullen chef du LSO chorus est le maître du “réchauffement”… dit-il en français avec un sourire d’enfant amusé. A l’évidence, il a plaisir à passer avec aisance d’une langue à l’autre et s’aide avec talent du piano (il est organiste de formation). Joahnnes Prinz, après avoir demandé l’autorisation à ses troupes, nous livre ensuite le secret des pianissimi extrêmes ppppp si chers à Mahler… Il n’hésite pas à donner l’exemple mais à partir du “Aufstehen”. Et mon voisin de derrière de remarquer instantanément: « aber es ist der Zweite ! » No comment. Nous sommes bel et bien dans un monde baigné de musique ! Une fois le réchauffement des organes obtenu, M. Hyde donne les consignes “circulatoires” et organise avec succès la rentrée “on stage”. La salle est vraiment gigantesque, le rouge domine, le plateau de l’orchestre est immense et lointain. Les enfants se placent au-dessus et en arrière de nous. Trois toiles blanches étendues de part et d’autre et au-dessus des enfants vont servir à la diffusion d’images non-figuratives. Eschenbach traverse la salle, libre de sièges à cet endroit, tel un toréador… le picador à la main droite mais avec un pas de sénateur. Réglages acoustiques voix par voix et la musique peut enfin commencer. Christoph Eschenbach rappelle la loi du genre dans ce type de configuration : le silence sinon… c’est le bordel ! Décidément, il maîtrise maintenant à la perfection tout le vocabulaire y compris le plus subtil de la langue française. Comme on pouvait s’y attendre cela sonne différemment d’hier ! Depuis le chœur II, le son semble à la fois fouillis et moins homogène. La gestique d’Eschenbach est parfois surprenante et, comme souvent, il parsème son interprétation de rubati prononcés. Mais ces amateurs éclairés que sont nos amis anglais et viennois ne se laissent pas surprendre. Il est vrai qu’ils ont du métier voyant défiler à Vienne comme à Londres l’élite de la direction d’orchestre (Salonen, Rattle, Abbado, Mehta, Muti, Gergiev, Barenboïm, Ozawa, Janssons, Chailly, Temirkanov, Behlolavek). La mise au point du final de la première partie avec la fanfare de cuivres située en hauteur est un peu laborieuse. Du fait d’une très grande distance entre les enfants et le chef, quelques réglages des interventions des enfants sont également nécessaires. Difficile d’évoquer les solistes tant la sonorisation semble déformer leurs voix au moins depuis les places du chœur. Demain, générale en costume car Arte et France 2 enregistrent le spectacle. Cela sera certainement mieux. Mais attention au surmenage vocal. A suivre…

Gilles Lesur