La “Natursymphonie” de von Hausegger

“Natursymphonie” pour grand orchestre avec chœur final (1911) de Siegmund von Hausegger (1872-1948)

Le moins qu’on puisse dire, c’est que Siegmund von Hausegger n’est pas passé à la postérité. Né en Autriche à Graz en 1872, ce musicien complet a pourtant fait une belle carrière, à la fois de chef d’orchestre et de compositeur.

Issu d’une famille de musiciens, il reçoit ses premières leçons de piano de sa mère pendant que son père lui explique l’harmonie, les formes musicales et Wagner. A 11 ans, il assiste à une représentation du “Vaisseau Fantôme”. Plus tard, il étudie le violon, l’orgue et le cor anglais tout en apprenant la philosophie, la littérature et l’histoire de l’art. A 16 ans, il écrit et créé lui-même une grande messe. En compagnie de son père, il rencontre en 1891 un Brahms vieillissant et lorsqu’il lui fait part de son désir de devenir compositeur, ce dernier marmonne dans sa barbe: “Toutes les places sont déjà prises”. Il en faut plus pour décourager Siegmund qui publiera de nombreuses œuvres dans tous les domaines. En 1898, Richard Strauss lui-même dirige la première munichoise de son opéra comique “Zinnober”. Après une formation acquise auprès de Félix Weingartner, il s’illustre également comme un chef d’orchestre de talent à Graz, Frankfurt, Berlin, Bayreuth et Munich. Il sera d’ailleurs pendant presque 20 ans le directeur de l’Orchestre Philharmonique de Munich. Les nazis l’évinceront en 1938 en raison de ses sympathies libérales. Comme chef d’orchestre, il fut aussi un enseignant réputé – ayant notamment pour élève un certain Eugen Jochum – et le premier défenseur des versions originales des symphonies de Bruckner donnant parfois lors d’un même concert la version révisée et la version originale.

Cette “Natursymphonie” est un chef d’œuvre puissant et quasi-inconnu achevé en septembre 1911. Même si l’influence des langages de Strauss, Bruckner et Mahler est évidente cette musique possède sa propre personnalité. Composée de quatre mouvements magnifiquement orchestrés, cette étonnante symphonie mériterait d’être plus souvent entendue. Le poème de Goethe “An Schwager Kronos” figure en exergue sur la première page de la partition. Le premier mouvement est une longue et savante construction dont les climats variés s’enchaînent très naturellement. Le second mouvement débute par des soli successifs d’orgue, de basson, de hautbois puis de violon, avant de se transformer en une marche funèbre rythmée par les pizzicati des contrebasses puis par la timbale qui ne sont pas sans évoquer Bruckner (en plus léger…), voire certains adagios des symphonies de Chostakovitch. Le troisième mouvement est un énergique scherzo enchaîné avec un final avec chœur qui utilise un texte un peu ésotérique de Goethe extrait du “Proömion” et évoque le Mahler des symphonies avec chœur.

Voici en tout cas une idée de programmation originale pour ceux qui auraient envie de sortir des intégrales Mahler, Brahms, Beethoven et Schumann…

Gilles Lesur, 21 mars  2011

Conseil discographique : La seule version actuellement disponible est celle du WDR Sinfonie Orchester Köln et Rundfunkchor dirigée par Ari Rasilaisen (CPO). Elève du grand pédagogue finlandais Jorma Panula, Ali Rasilainen a également étudié à Saint-Pétersbourg avec Arvid Jansons, le père de Mariss Jansons. Il mène une belle carrière en Europe du Nord, en Allemagne et en Autriche. L’orchestre WDR de Cologne, dirigé pendant 13 ans par Semyon Bychkov, sonne tout à fait honorablement et s’investit dans chaque seconde de cette musique.