La mort d’un géant espagnol

Avec Rafael Frühbeck de Burgos qui vient de mourir des suites d’un cancer à Pamplona à l’âge de 80 ans, c’est l’un des plus grands chefs du moment qui disparaît. Il venait d’annuler très récemment plusieurs concerts et surtout de rompre son contrat, débuté en 2012, de directeur de l’Orchestre Symphonique du Danemark. Il devait également diriger cet été à Monte Carlo une de ses œuvres préférées, les Carmina Burana de Carl Orff.

Celui qui fut directeur de l’Orchestre de Bilbao, de l’Orchestre National d’Espagne, de l’Orchestre Symphonique de Montréal, de l’Orchestre de Düsseldorf, de l’Orchestre symphonique de Berlin (et de l’Opéra allemand de cette ville), de l’Orchestre symphonique de Vienne et de la Philharmonie de Dresde, avait un répertoire immense allant de Mendelssohn à Mahler en passant par Berlioz, Stravinsky et son Sacre qu’il aimait tant et dirigeait par cœur, la Saint Matthieu, Beethoven et Brahms. Il était également un chef d’opéra très recherché et bien entendu il excellait aussi dans la zarzuela et la musique espagnole, en particulier dans celle de Manuel de Falla. En 1986, il avait créé le Goya de Menotti à l’opéra de San Francisco. On se souvient aussi de ses collaborations régulières depuis 1998 avec l’Orchestre de Paris dont une « Vida Breve » de feu et de sang en 2006 au Théâtre Mogador avec un chœur et un orchestre de Paris transfigurés par une direction puissante et festive. Il laisse aussi de cette œuvre extraordinaire et pour EMI, un enregistrement de référence avec la grande Victoria de los Angeles et l’excellent Orfeón Donostiarra, qu’il a dirigé près de 200 fois.

Né le 15 septembre 1933 d’un père allemand et d’une mère espagnole à Burgos (d’où son nom), il étudie d’abord à Bilbao et Madrid le piano et la composition, puis part travailler la direction d’orchestre à Munich, avant de revenir en Espagne comme directeur de l’orchestre symphonique de Bilbao. Malgré le soutien apporté à sa carrière par Franco, il fera également une très riche carrière aux États-Unis où il était très apprécié, notamment de par son professionnalisme, sa connaissance du répertoire et sa rapidité dans le travail. Il remplaça souvent James Levine à la tête du Boston Symphony Orchestra lorsque ce dernier était empêché de diriger. Son nom circulait même régulièrement lorsqu’il était question de chercher un successeur à la tête de certains des  orchestres américains (Boston, New-York, Philadelphie, Chicago). Il a également beaucoup et régulièrement dirigé au Japon. Mais il aimait la bonne vieille Europe, qui le lui a bien rendu, en lui proposant de nombreux et beaux postes, notamment en Allemagne.

Très aimé des musiciens qui le trouvait agréable et professionnel, il laisse de nombreux enregistrements notamment chez Decca (des Nuits dans les jardins d’Espagne d’anthologie avec Alicia de Laroccha), Orfeo et surtout EMI, dont une Carmen avec rien moins que John Vickers, Grace Bumbry, Mirella Freni et les choeurs et l’Orchestre de l’Opéra de Paris. Décoré par l’ancien roi d’Espagne Juan Carlos en 2009 de la médaille d’or des Beaux Arts, il avait été nommé “chef d’orchestre de l’année” en 2010 par le magazine américain « Musical America ». Avec sa disparition se referme une page d’histoire de la direction d’orchestre. Mais la relève espagnole est là avec Jesús López Cobos, Josep Pons, Gutavo Gimeno, Juanjo Mena, Jaime Martin,  et beaucoup d’autres…

¡Hasta siempre Maestro!