La Damnation de Faust : Légende dramatique en quatre parties.
Dans cette production, les 4 parties sont toujours là. Or, son aspect dramatique en est bien loin. Mais tout d’abord une dimension positive : il s’agit d’une distribution de rêve : Jonas Kaufmann – Faust, Sophie Koch – Marguerite, et Bryn Terfel – Méphistophélès, tous en très grande forme, en dépit des conditions difficiles que la mise en scène leur a imposé. Malheureusement, la prestation musicale de ces solistes ne pouvait pas sauver la représentation d’une incompréhensible collaboration entre la direction musicale de Philippe Jordan et le metteur en scène Alvis Hermanis.
La mise en scène tire son inspiration du cinéma de science-fiction. On y voit des emprunts de « 2001-Space Odyssey » et « la Guerre des Etoiles », mais surtout de « Plan 9 de l’Outre Espace ». Tout commence avec une publicité quasi-touristique pour coloniser la planète Mars. Les décors et projections vidéo jouent les rôles principaux dans cette production. La scène est surchargée d’objets : des cages en verre et des immenses images en vidéo, parfois des fœtus, parfois des rats, parfois des volcans en irruption, sans lien évident entre eux, et qui servent d’interférence visuelle en compétition avec la musique. (Hermanis fait ses premières expériences dans le lyrique.) Faust, Méphisto, Marguerite et la musique de Berlioz sont consignés au deuxième plan. Les chanteurs errent sur la scène dans une ambiance d’engagement dramatique strictement minimal.
Cette production a été généreusement huée, mais il est notable que les premières expressions de désapprobation de la soirée étaient réservées à la direction musicale robotique. Adieux aux nuances et au savoir-faire musical qui font vivre la musique de Berlioz et sa vision fantastique des deux mondes, rationnel et irrationnel, qui se confrontent. Aucune différence d’expression ou de tonalité entre le chœur de paysans et celui des anges : toutes les notes y sont, et à la mesure, mais sans les couleurs orchestrales et lyriques qui devraient faire vibrer la musique de Berlioz. Comme il disait lui-même, « On jouait un opéra français très plat ».
T.P. Pearsall