Compositeur polonais né en Ukraine le 6 octobre 1882 et mort à Lausanne le 29 mars 1937, Karol Szymanowski n’est pas très populaire en France. Né dans une famille aisée et sensible aux arts, il étudie le piano dès l’âge de 7 ans, d’abord avec son père puis avec son oncle, le célèbre Gustav Neuhaus. Arrivé à Varsovie en 1901, il se lie d’amitié avec Arthur Rubinstein et s’intéresse dans un premier temps surtout à la musique allemande et bientôt à Debussy et Stravinsky.
Il participe à la fondation d’une maison d’édition nommée « Jeune Pologne » qui publie ses premiers opus, notamment les neufs préludes pour piano (op. 1). Après l’échec de sa première symphonie en 1909, son premier succès est la deuxième symphonie créée en 1911 et d’emblée saluée jusqu’à Vienne comme une œuvre originale. Passionné de culture orientale et arabe, il voyage en Sicile puis en Afrique du Nord et y trouve une certaine inspiration en termes de couleurs, de mélodies et de gammes.
La troisième symphonie avec ténor soliste et chœur mixte composée entre 1914 et 1916 est une de ces œuvres inspirées de l’Orient. Créée à Varsovie en 1921, elle utilise la traduction en polonais d’extraits du deuxième Divan du poète soufi perse Jalal ad-Din ar-Rumi, remis au goût de l’époque six siècles plus tard par Goethe et plus près de nous par les fondateurs du Divan Orchestra. Disposée en trois mouvements enchaînés, la symphonie utilise un très grand orchestre avec notamment six cors, quatre trompettes et trombones, une clarinette basse, un célesta, un orgue, un piano et deux harpes ! Le début est dédié aux premiers violons dans l’aigu sur une pédale tonique marquée par la timbale avant que le ténor, rapidement suivi du chœur, ne fasse son entrée sur une douce incitation au rêve. Un premier paroxysme flamboyant construit très progressivement débouche sur une rupture brutale laissant, après les alti du chœur, la place à l’orchestre seul. Le chœur en bouches fermées module ensuite avant de céder de nouveau la place au ténor. Le long crescendo final, qui n’a rien à envier à Mahler, laisse enfin la place à un épilogue extatique rempli d’arabesques debussystes rappelant le début de l’œuvre.
Simon Rattle s’intéresse depuis toujours à Szymanowski et a beaucoup enregistré ces œuvres lorsqu’il était à Birmingham. Ces enregistrements réunis dans un coffret EMI sont maintenant disponibles à un tarif très intéressant. L’interprétation de la troisième symphonie y est engagée, nuancée et superbement construite. Comme toujours avec Simon Rattle, les tutti orchestraux sont très impressionnants et conduits avec un sens de la ligne stupéfiant. Le chœur, préparé par Simon Hasley, l’ami fidèle et talentueux qui sera plus tard du voyage vers Berlin, est excellent.
Les autres œuvres avec orchestre de Szymanowski ayant atteint une relative notoriété sont le Stabat Mater (1925/6), « Le Roi Roger » (opéra crée en juin 1926 quelques mois après le Wozzeck de Berg…) et la quatrième symphonie, véritable symphonie concertante avec piano créée en 1932 par Szymanowski lui-même et à l’époque beaucoup jouée à Paris par Arthur Rubinstein et maintenant parfois par Piotr Anderszewski.
La troisième symphonie a été entendue à Paris en avril 2001 et l’Orchestre National de France et le Chœur de Radio France étaient alors dirigés par Djansug Kakhidzé. Faute de Simon Rattle, trop rare en France, on aurait pu imaginer qu’un certain Pierre Boulez dirige un jour à Paris cette belle musique ce qu’il a fait à Vienne en mars 2010. Mais finalement c’est Valery Gergiev qui nous a permis en novembre 2012 de l’entendre avec le London Symphony orchestra et son chœur à la Salle Pleyel.
Cette musique impressionniste à thèmes cosmiques n’est loin ni du tant admiré Debussy, ni des « Gurrelieder » de Schönberg ou de la « Symphonie des Mille » de Mahler. Après la création à Paris en 1936 du ballet « Harnasie » (Les brigands), Roland Manuel avait qualifié cette musique de Szymanowski de « Sucre du printemps ». Il est temps de faire entendre que ce « bon » mot a bien mal vieilli…
Conseil discographique : Elzbieta Szmykta, Florence Quivar, Jon Garrison, John Connell, CBSO chorus (Simon Hasley, chef de chœur), City of Birmingham Symphony Orchestra, Simon Rattle, direction: Karol Szymanowski, Symphonie n°3 « Chant de la nuit », Stabat Mater, Litanies à la Vierge Marie, Symphonie n° 4 (Leif Ove Andsnes), Le Roi Roger (avec Thomas Hampson), Concertos pour violon n°1 et 2 (Thomas Zehetmair). Coffret 4CD EMI Classics.