Karajan, la bio

Herbert von Karajan est mort le 16 juillet 1989. Pierre-Jean Rémy a publié en avril 2011 un livre dédié à cet immense chef d’orchestre. De toute évidence l’auteur aime son sujet. Et cela donne un livre passionnant, bien documenté et sensible. Il y fait un portrait somme toute plutôt attachant de cet homme aux multiples facettes et dont la vie ressemble à un roman.

Il évoque successivement l’enfance à Salzbourg dans une famille aisée d’ascendance macédonienne, sa formation d’abord comme pianiste puis comme chef auprès de Bernhard Paumgartner et les étapes de sa carrière de chef (Ulm, Aix-la-Chapelle, Salzbourg, Berlin) sans oublier le bref passage à Paris. Il n’élude pas l’adhésion précoce à 2 reprises en Autriche puis en Allemagne au parti national-socialiste, ainsi que son mariage avec Elmy Holgerloef qui était une proche de Goebbels. Son goût du travail, son perfectionnisme, son exigence envers lui-même comme envers les autres, sa pratique régulière de nombreux sports, d’une certaine ascèse notamment alimentaire avec l’aide d’un « gastro-psychologue » ( ?) sont également évoqués. Pierre-Jean Rémy fait également état des relations très particulières qu’entretiendra toute sa vie Karajan avec le fameux « Wiener Singverein » dont il fût juste après la guerre nommé directeur artistique à vie. Il évoque les hommes de confiance notamment le français Michel Glotz qui jouera un rôle essentiel dans sa carrière discographique et quelques amitiés vraies par exemple avec Alexis Weissenberg et aussi avec un certain Christoph Eschenbach. On y découvre également la personnalité multiple de ce chef, y compris son coté « jet-set » avec lequel il jouait incontestablement.

Je vous laisse découvrir quelques anecdotes amusantes et parfois éclairantes sur l’homme notamment celles à propos de Victoria de Los Angeles, Birgit Nilsson et Elizabeth Schwartzkopf, la rencontre en 1938 autour de l’œuvre de Carl Orff avec Wilhem Pitz qui allait devenir le chef de chœur de Bayreuth, la nomination à vie à Berlin obtenu après une simple demande en même temps que le poste, les séjours à Ischia dans le golfe de Naples auprès d’un William Walton qui avait décidé d’y finir sa vie, la rivalité débutante avec un Daniel Barenboïm dont il perçoit très tôt les potentialités et bien d’autres encore. Pierre-Jean Rémy évoque également le Karajan découvreur de talent parmi lesquels on a surtout retenu Anne-Sophie Mutter et Evgueni Kissin et moins Léontyne Price ou Grace Bumbry. On s’étonne néanmoins de trouver dans ce livre quelques erreurs grossières comme les dates d’ouverture de la saison de la Scala jamais correctes (27 ou 17 décembre !), que Mme Sabine Mayer soit dite flûtiste (tout le monde sait qu’il s’agit d’une exceptionnelle clarinettiste) ou que l’Orchestre de Paris soit considéré comme l’orchestre du Don Giovanni filmé par Joseph Losey (il s’agit en fait de l’Orchestre de l’Opéra de Paris) …Ce n’est évidemment pas l’essentiel mais cela détonne dans un tel livre. Je ne résiste pas au plaisir de citer un propos sévère mais sans doute juste de Zubin Mehta rapporté dans ce livre à propos du maestro autrichien : « le problème avec Karajan c’est que la musique ne lui a jamais suffit ». Ce livre est vraiment passionnant. Si vous vous intéressez aux chefs d’orchestre vous allez adorer..

Gilles Lesur
06-01-2012

Pierre-Jean Rémy, Karajan, Editions Odile Jacob, Poches, Documents, avril 2011