Il a tout d’un grand

Comme Eivind Gullberg Jensen, Yannick Nézet-Séguin, Yutaka Sado ou Tomáš Netopil, Andris Nelsons fait partie des chefs d’orchestre qui ont fait leurs débuts à la tête des «Berliner Philharmoniker» cette saison. Le public de lundi soir dernier au Théâtre des Champs-Elysées sait maintenant pourquoi. En effet, à 32 ans, Andris Nelsons a déjà tout d’un très grand chef d’orchestre. On dit d’ailleurs que Mariss Jansons, son compatriote letton, le trouve plus doué que lui-même à son âge.

Né à Riga dans une famille de musiciens Andris Nelsons, trompettiste de formation, a étudié la direction d’orchestre à Riga et Saint-Pétersbourg surtout auprès de Mariss Jansons. Repéré dès ses débuts, il est bientôt invité à diriger un peu partout, notamment en France par Didier de Cottignies et a fait cet été des débuts remarqués à Bayreuth dans Lohengrin. Il vient de diriger, à l’automne dernier, les «Wiener Philharmoniker» en tournée au Japon et fera en 2011 ses débuts à Covent Garden et à New-York. En 2008 il a été nommé directeur musical de l’Orchestre symphonique de Birmingham, l’ancien orchestre d’un certain Simon Rattle et par la suite confié au chef finlandais Sakari Oramo. Il y fait un tabac. Son contrat vient d’être prolongé jusqu’en 2014 et il n’a pas hésité à programmer en début de saison la symphonie des Mille avec le célèbre «City Birmingham Symphony Chorus». Il faut dire qu’il a trouvé en arrivant à Birmingham plusieurs structures chorales amateurs de haut niveau, toutes sous la houlette de l’infatigable et si sympathique Simon Halsey.

Au programme de ce soir une ouverture d’Egmont de Beethoven impériale, tenue et construite dans une progression parfaitement maîtrisée jusqu’à l’abrupt final. L’orchestre apparaît très professionnel, précis, réactif, sans aucun point faible mais sans avoir un son exceptionnel. Dans le premier concerto de Chostakovitch, c’est Gautier Capuçon qui tient la partie de violoncelle. Il le fait avec énergie et précision mais sans l’engagement très russe qu’y mettait Rostropovitch (le dédicataire) ou plus récemment Stefen Isserlis lors d’un concert récent avec l’Orchestre de Paris. Curieusement, Andris Nelsons semble moins convaincant dans cet univers qui lui est pourtant certainement familier.

En seconde partie, l’orchestre est au grand complet pour une phénoménale “Vie de Héros”. Toutes les immenses qualités de Nelsons sont ici évidentes: nuances toujours en situation, engagement, précision, lisibilité de toute la partition (pourtant souvent confuse !), absence de temps mort, sens des enchaînements et des silences. Bien entendu tout cela est mis au seul service de la musique et emporte l’adhésion immédiate de tous les musiciens et du public. La gestique est parfois peu banale, souvent en hauteur à l’image de l’homme qui n’est pas vraiment petit, mais la main gauche cisèle et sculpte en permanence le son et la musique. Une musique visiblement interprétée avec un grand bonheur et une évidente humilité. Ce chef a décidément tout d’un grand. Avec notamment Dudamel, Sokhiev, Nézet-Séguin et d’autres, la relève des grands chefs d’orchestre est sans aucun doute assurée et au plus haut niveau.

Gilles Lesur

Lundi 17 janvier 2011, Théâtre des Champs-Elysées, City of Birmingham Symphony Orchestra, Andris Nelsons, direction, Gautier Capuçon, violoncelle, Ouverture d’Egmont op. 84 de Beethoven, concerto pour violoncelle et orchestre n° 1 en mi bémol majeur op. 107 de Chostakovitch, “Une vie de héros” poème symphonique op.40 de Richard Strauss