Gustavo Dudamel à Göteborg

Le 11 juin dernier, Gustavo Dudamel dirigeait à Göteborg, dans le sud de la Suède, un concert à la tête de l’orchestre symphonique de la ville dont il est directeur musical depuis 2007. N’ayant pas réservé, je réussissais néanmoins à dégoter une place au dernier moment (« horrible place » me prévenait-on…). Une fois entré dans la salle, j’étais au premier rang le nez contre la scène, sous les contrebasses, ne voyant, par moments seulement, qu’une partie de la belle chevelure frisée de Gustavo. Le concert débutait avec « La Valse » de Ravel. Une valse torride à l’incroyable sensualité. Placé ainsi, je goûtais mieux que quiconque l’extraordinaire chant des cordes graves dans cette œuvre. L’orchestre de Göteborg sonne beau et riche et même si le quatuor n’est pas d’un niveau exceptionnel, l’ensemble est soudé et solide.

Au changement de plateau, je me faufilais vers une place libre au 8e rang: le bonheur. La suite de cette première partie consistait en un concerto pour clarinette d’Anders Hillborg, compositeur suédois né en 1954, joué par le dédicataire, Martin Fröst, un jeune homme au talent incomparable. Cette œuvre créée en 1998 est d’une réelle beauté et utilise la clarinette dans tous ses états. Les nuances obtenues par Fröst sont inouïes et l’engagement du musicien qui bouge, tourne autour de l’instrument, voire par moments s’en débarrasse est très étonnant. Des éclairages de couleur subtils ajoutaient du mystère au propos. « Ovation debout » pour l’interprète et le compositeur.
A l’entracte, en déambulant dans les coursives de cette salle tout en bois, je pouvais apercevoir entre les bustes de Carl Nielsen (1865-1931), pourtant danois, et Franz Berwald (1796-1868), lui, bien suédois, celui de Neeme Järvi, chef estonien et directeur musical de l’orchestre de Göteborg de 1982 à 2004. C’est bien ici le Nord de l’Europe !
Au programme de la seconde partie, la Symphonie fantastique. Je ne me souviens pas avoir entendu une interprétation aussi brûlante de ce chef d’œuvre. Tout y était, l’énergie inhérente à cette musique, le drame, jamais très loin, mais aussi la lumière. Des tempi justes, une lisibilité absolue, des nuances recherchées aux extrêmes et tout cela avec un engagement de chaque seconde du chef et de tous les musiciens. Ce qui donne au final une vraie vision passionnée et passionnante d’un bout à l’autre. Pas une seule chute de tension y compris dans le 3e mouvement parfois difficile à habiter. Décidément, ce jeune homme de 27 ans a tout du chef d’orchestre de génie. Après des applaudissements spontanés à la fin d’un 4e mouvement démoniaque à souhait, l’accueil final est triomphal avec une nouvelle « ovation debout ». Il y a chez ce chef ce bonheur de faire de la musique, à l’évidence communicatif, cette modestie qui le retient de monter sur le podium pour les saluts et cette joie de partager ces simples fleurs offertes avec les musiciennes. Des musiciens manifestement conquis et qui le montrent en dédiant à leur chef une très courte fanfare ibérique. Décidément les habitants de Göteborg ont bien de la chance. Sans parler de ceux de Los Angeles, Dudamel prenant en septembre 2009 la succession d’Esa Pekka Salonen à la tête du LA Philharmonic Orchestra. Dès que vous le pouvez et où que vous soyez, à Los Angeles, Berlin, Paris, Lucerne, Londres ou Göteborg, allez écouter ce prodige. En sortant de la salle à 22 heures, le soleil brillait encore, latitude et saison obligent, mais Gustavo Dudamel à Göteborg, c’est le soleil de minuit toute l’année !

Gilles Lesur

Göteborg, le 11 juin 2008, Orchestre Symphonique de Göteborg, Martin Fröst, Gustavo Dudamel, La Valse de Ravel, Concerto pour clarinette de Hillborg, Symphonie fantastique de Berlioz.