GALA DES 350 ANS DE L’OPERA DE PARIS

En référence avec la création de l’académie Royale de Musique en 1669, L’opéra de Paris fêtera donc en 2019 ses 350 années d’existence, l’occasion de faire parler de lui et de promouvoir sa saison de spectacles et quelques évènements soi-disant exceptionnels, au premier rang desquels le Gala inaugural qui s’est tenu les 30 et 31 décembre 2018. L’affiche est alléchante avec en tête, la magnifique Sonya Yoncheva accompagné de Bryan Hymel et de Ludovic Tezier pour la musique et de 3 couples de danseurs maison parmi les plus talentueux : Léonore Baulac et Mathieu Ganio, Amandine Albisson et Florian Magnenet, Eleonora Abbagnato et Stéphane Bullion.

Le programme n’a été dévoilé que très récemment et les places presqu’exclusivement vendues par le biais de la très sélective AROP (association pour le rayonnement de l’opéra de Paris). Tout s’est donc un peu passé en catimini … un anniversaire « entre soi », à Garnier de surcroît ! Tout ceci respire le marketing à plein nez, car le programme ne reflète pas cette notion d’ouverture d’année anniversaire : les œuvres s’enfilent sans logique en commençant par Berlioz et la marche hongroise de la damnation de Faust qui n’est pas à proprement parlé un opéra mais qui donne un bel éclat pour commencer la soirée. Mais restons un instant sur les interprètes. Ludovic Tezier est un habitué de la Maison, qui plus est, français. Il vient d’enchaîner un magistral Simone Bocanegra puis les dernières de la Traviata. La saison dernière, il était le marquis de Posa dans la version française de Don Carlos. Bryan Hymel est en répétition pour la nouvelle production des Troyens et était en tête d’affiche des Huguenots qu’il a abandonné à quelques jours de la générale, mettant ainsi en péril le retour attendu de cet opéra après 80 ans d’absence … L’opéra de Paris n’est pas rancunier ! La présence de Sonya Yoncheva, si elle nous ravi est plus curieuse. Certes, elle s’est produite régulièrement mais n’a pas d’actualité. Ne cherchons donc pas de logique. De logique, il n’y en a pas non plus dans le programme. L’essentiel des œuvres sont françaises, y compris le Don Carlos de Verdi. Mais alors, pourquoi ce passage entier de la Traviata, très réussi au demeurant ? Pourquoi une concentration sur l’opéra de la seconde moitié du 19e siécle ? Sonya Yoncheva est une baroqueuse, elle vient de faire Poppée à Salzburg, elle a sorti l’année dernière un disque Haendel-Rameau … Une incursion dans ce répertoire s’imposait ! Aucune incursion non plus dans le 20e siècle, pourtant si riche en musique française … Meyerbeer, grand timonier du répertoire lyrique pendant plus d’un siècle est lui aussi absent : Bryan Hymel aurait pu racheter son absence en chantant un de ses airs des Huguenots … Que d’occasions manquées !

Fort heureusement, nous avons eu droit à quelques moments de pure beauté, à commencer par les extraits des 3 ballets du répertoire : la dame aux camélias de John Neumeier, le Park d’Angelin Prejlocaj et Carmen de Roland Petit. L’absence de véritable décor, le dépouillement scénique concentrait encore plus la beauté de l’instant sur la chorégraphie. Coté lyrique, la palme revient à Sonya Yoncheva qui n’est jamais meilleure que lorsqu’elle joue ses rôles et donc logiquement, les extraits qu’elle interprète avec Bryan Hymel dans le duo de Saint-Sulpice de Manon, et avec Ludovic Tezier dans le bouleversant second acte de la Traviata, sont des moments de grande intensité. Elle est nettement moins convaincante dans son air tiré d’Hérodiade de Massenet puis dans le rôle léger des Cent Vierges de Charles Lecocq. Les interprètes masculins sont à leur affaire dans leur morceaux de bravoure qui se transforment presque en concours viril : Pourquoi me réveiller du Werther de Massenet et La fleur que tu m’avais jetée extrait de Carmen de Bizet pour le Ténor et l’air du marquis de Posa extrait de Don Carlos de Verdi et l’air de Thais de Massenet pour le Baryton … L’ensemble se termine par le final du Faust de Gounod, choix parfaitement élégiaque qui convient bien à l’ambiance de cette soirée et qui permet de recoudre le patchwork musical qui nous était offert.

Jean-Jacques Renard