Entretien avec le CSNMDP

Extrait du Journal du CNSMDP
Numéro 16 (Mars 1996)

Entretien accordé par Arthur Oldham (A .O.) au Journal du CNSMDP à l’issue du Te Deum de Berlioz, interprété le 12 février 1996 au Zénith par 850 musiciens et choristes, sous la direction de Sir Colin Davis pour la célébration du bicentenaire du Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris.

CNSMDP : Responsable de l’immense choeur du Te Deum au Zénith, Arthur Oldham nous parle d’une oeuvre qu’il chérit particulièrement, point de départ, il y a vingt ans, de l’aventure du choeur de l’Orchestre de Paris.

CNSMDP : Comment se fait-il que les Britanniques aiment plus Berlioz que les Français?

 A.O. : Cette impression est complètement liée aux efforts incessants de Sir Colin Davis, soutenu par le musicologue David Cairns, pour faire redécouvrir Berlioz. Plutôt que de le jouer, vous préfériez le choisir pour illustrer un billet de dix francs ! Cette défiance est le prolongement, sur cent cinquante ans, de la haine réciproque du compositeur et de l’establishment, née de la jalousie d’un Cherubini envers plus génial que lui. Choisir le Te Deum pour célébrer le bicentenaire du Conservatoire, c’était aussi en quelque sorte un acte de réparation bien légitime.

CNSMDP : Comment vous êtes-vous réparti les rôles dans le montage du Te Deum ?

A.O. :J’ai rencontré Sir Colin Davis à Londres pour discuter avec lui de l’interprétation, du Te Deum, mais aussi du Roméo et Juliette que nous faisons en juillet à la cité de la musique. Puis, j’ai retranscrit ses indications sur les partitions que j’ai adressées aux différents chefs de chœur impliqués. Mon rôle consiste à préparer un instrument à partir des voix du chœur dont le chef d’orchestre peut jouer pour réaliser son interprétation.

CNSMDP : Dès le départ, vous avez tous tenu compte des contingences du Zénith, notamment de la nécessité de le sonoriser…

A.O : J’ai, par chance, un fils habitué à ce genre d’aventures. Lors d’une tournée en Inde, Tim a réussi, par l’usage d’une coque, à faire passer la réverbération d’un immense gymnase de Calcutta de 12 à 3 secondes !

CNSMDP : Quelles incidences a eu la salle sur la technique vocale des choristes ?

 A.O : Il fallait surtout préserver la qualité du son, dans certaines attaques comme dans les passages chuchotés. Les petits chanteurs devaient employer leur voix de poitrine pour faire passer une partie écrite dans le grave par Berlioz en fonction de l’énormité de la masse orchestrale.

CNSMDP : Ce Te Deum, c’est aussi la rencontre hautement symbolique de choristes amateurs, mais que vous voulez de qualité professionnelle, avec des musiciens préprofessionnels qui, vous l’espérez, sauront garder l’enthousiasme des amateurs…

A.O : Carlo-Maria Giulini m’a dit un jour : ” Si je me lève un matin en me disant : encore une répétition!, je saurai qu’il est temps d’arrêter.” La réussite de ce concert tient en grande partie à l’enthousiasme des participants, des choristes et des musiciens pas encore blasés, émerveillés du travail accompli en commun sous la direction d’un grand chef.

CNSMDP : Y compris tous les autres professionnels, représentants de l’ensemble des métiers du spectacle vivant, travaillant dans le Conservatoire…

A.O : La qualité de l’organisation nous a remplis d’admiration, Tim et moi. Tout le monde, de la production à la communication, des régies à l’administration et à l’audiovisuel, était opérationnel dès la première minute, alors qu’ils n’avaient jamais monté de concert comparable : tout était fin prêt à notre arrivée au Zénith. Jusqu’à la maquette du dispositif scénique, au musicien près !

CNSMDP : Vous est-il, malgré tout cela, arrivé de douter du résultat ?

 A.O : Non, jamais ! D’abord, parce que Sir Colin Davis est un grand chef, particulièrement à l’aise avec de jeunes musiciens et avec les chanteurs. La grande inconnue restait l’équipe du Conservatoire, mais j’ai été vite rassuré. Je crois que Berlioz aurait apprécié la précision dans le grandiose obtenue ce soir-là. En tout cas, nous sommes complètement convaincus, Sir Colin Davis et moi, que le Zénith peut devenir à Paris la salle idéale pour faire entendre à 5000 personnes les plus grands chefs d’œuvre.

ISSN 1225 – 5746 © Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris

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