La dernière fois que nous évoquions Gustavo Dudamel ici c’était en 2008. Il était alors le jeune (27 ans) directeur de l’Orchestre de Göteborg qu’il allait quitter pour prendre, à la suite d’Esa Pekka Salonen, la direction du Philharmonique de Los Angeles en septembre de cette même année. Son talent hors du commun avait déjà été remarqué par beaucoup dont Claudio Abbado et Simon Rattle, ce dernier disant de lui : « Dudamel est ce qui est arrivé de plus important à la musique classique en ce début de siècle ». A maintenant 36 ans, sa carrière s’est considérablement développée, il vient d’être prolongé à Los Angeles jusqu’en 2022, il dirige régulièrement et parfois en tournées les meilleurs orchestres du monde (Berlin, Vienne, Munich), à la Scala, à l’Opéra de Vienne et en décembre prochain à l’Opéra de Paris. Il a aussi été en 2017 le plus jeune chef à diriger le concert du Nouvel An à Vienne.
Mais curieusement, et ce d’autant que ce chef d’orchestre vénézuélien est issu d’une famille d’origine espagnole, il n’avait jamais dirigé d’orchestre de ce pays. C’est maintenant chose faite avec ce concert gratuit qui a permis à 4000 veinards mélomanes (les réservations ont été complètes en 3 heures) d’assister en plein air et sur la place de la cathédrale de Santiago de Compostela à une interprétation mémorable de la Neuvième symphonie de Beethoven. Pour ce concert, deux amis d’Arthur ont eu la chance d’être dans le chœur choisi par Gustavo Dudamel, à savoir Orfeón Donostiarra, le très réputé ensemble du Pays basque espagnol, sans aucun doute le meilleur choeur d’Espagne et l’un des meilleurs du monde.
On le sait Gustavo Dudamel est issu d’El Sistema, un ensemble pyramidal initié il y a 40 ans au Venezuela par José Antonio Abreu et qui vise à proposer une formation musicale au plus grand nombre possible d’enfants vénézuéliens, notamment aux plus défavorisés. La partie la plus visible de cette structure, qui fait maintenant école dans beaucoup de pays, y compris en France, est le célèbre Simon Bolivar Orchestra, un orchestre de jeunes de niveau professionnel qui rayonne de par le monde et notamment en Europe où il est l’invité régulier des Proms et des festivals de Lucerne et de Salzbourg.
La venue de Gustavo Dudamel à Santiago était organisée par ABanca, une banque galicienne qui avait planifié, outre ce concert gratuit, plusieurs rencontres avec des jeunes musiciens intégrés dans un système local de fonctionnement proche d’El Sistema. Gustavo Dudamel s’est naturellement prêté au jeu avec sa bonne humeur habituelle pendant les quelques jours de sa présence en Galice. Mais le plus important de ce déplacement était sans nul doute ce concert Beethoven sur la place de la Cathédrale à Santiago da Compostela et, s’il vous plaît, en présence du Roi Emérite Juan Carlos Ier qui avait fait le voyage depuis Madrid. Ce concert débutait par l’exécution de l’Himno Galego, chant régional galicien connu de tous, et par quelques discours, dont un très passionné de Gustavo Dudamel expliquant notamment que l’accès à la musique lui semblait un droit fondamental.
Place ensuite à une Neuvième symphonie d’anthologie. Après seulement quelques jours avec l’Orchestre symphonique de Galice, il est vrai le meilleur d’Espagne, Gustavo Dudamel a réussi à transmettre à ces musiciens aguerris et très enthousiastes sa vision énergique et solaire du chef d’œuvre de Beethoven. Les tempi sans concessions, la lisibilité des différentes parties, l’énergie rythmique et le sens de la construction de cette lecture emportent tout sur son passage. Gustavo Dudamel ne laisse aucun temps mort, aucune note inerte, y compris dans un magnifique adagio qui n’a jamais autant chanté. Le plateau de solistes était à la hauteur de l’évènement sans point faible. Quant à Orfeón Donostiarra il a, comme à son habitude, brillé par sa précision, sa puissance (quels ténors !), ses nuances, le mélange de ses timbres si riches et sa discipline collective.
A l’issue de la répétition générale de la veille, Gustavo Dudamel avait congédié les chanteurs d’Orfeón Donostiarra avec un « Bon appétit » plein de bonne humeur. Car c’est aussi ce qui caractérise ce musicien hors-pair : cette énergie, cette joie de faire de la musique ensemble qui lui est si naturelle et qu’il sollicite auprès de tous en demandant de sourire et plus d’Alegria, au point de faire oublier la dimension travail de la répétition ici remplacée par la seule joie de la musique…Et s’il en est ainsi dès la répétition, vous imaginez au concert ! Un concert que les amis d’Arthur présents à Santiago ce soir-là, grâce à Orfeón Donostiarra, ne sont pas prêts d’oublier. Sans même parler de la longue et touchante séance photo qui a suivi et à laquelle Gustavo Dudamel se prêta avec une extrême gentillesse.
Décidément, un musicien et un homme rare. Et en plus la dédicace de Gustavo Dudamel à l’Orfeón Donostiarra, «Con todo mi amor y admiracion, Esperando encontrarlos muy pronto, Son Maravillosos» permet d’espérer pour bientôt d’autres collaborations….
Gilles Lesur, 11 juillet 2017
Santiago de Compostela, Plaza del Obradoiro, 7 juillet 2017, Marta Matheu, Lida Vinyes Curtis, Marc Salga, Joan Martín-Royo, Orchestre Symphonique de Galice, Orfeón Donostiarra (chef de chœur : Jose Antonio Sainz Alfaro), Gustavo Dudamel
La dédicace de Gustavo Dudamel à l’Orfeón Donostiarra