Disparition de Sir Colin Davis

Par Annie Oldham

On savait que sa santé était mauvaise et qu’il était fragile surtout depuis la mort de sa femme Shamsi il y a bientôt trois ans mais malgré tout on l’aurait voulu immortel ! Mais la triste et émouvante nouvelle a fini par tomber : Sir Colin Davis est mort le 14 avril 2013 à l’âge de 85 ans.

C’était un homme élégant à la fois très british et très original possédant un charme fou. Il va beaucoup nous manquer. Après la mort récente de Wolfgang Sawallisch c’est une autre grande figure de notre monde musical qui disparait. Je ne parlerai pas ici de sa longue et brillante carrière notamment à Londres, Boston, Munich ou Dresde mais je souhaite juste évoquer quelques souvenirs partagés avec Arthur et Colin. Ils se sont toujours bien entendus ces deux là… Ils avaient été ensemble à Londres au « Royal College of Music», possédaient des personnalités assez semblables et surtout s’estimaient beaucoup.
La première femme d’Arthur, Eileen Mac Laughlin et la première femme de Colin, Aprile Cantelo, étaient deux sopranos qui chantaient avec Alfred Deller. Colin a eu deux enfants avec sa première femme et pour s’en occuper il y avait une jeune et jolie jeune fille au pair iranienne dont Colin est tombé amoureux ! Et évidemment cela déboucha sur un divorce à couteaux tirés. Shamsi, sa seconde femme, une personne intelligente et au caractère bien trempé, lui a donné cinq autres enfants. Elle l’a beaucoup soutenu et nous racontait en riant qu’il ne l’aidait pas beaucoup à la maison avec les enfants et qu’il restait dans son fauteuil avec son iguane sur son épaule tout en tricotant de merveilleux cardigans et tricots très élaborés avec des motifs en tout genre…que Shamsi portait avec amour ! Ceci occupait le peu de temps qu’il y avait entre les nombreux concerts que Colin dirigeait partout dans le monde et c’est sans doute de cette façon qu’il se reposait. Bien que né dans le Surrey il avait une maison dans le Suffolk où il aimait beaucoup aller.
Colin et Arthur se comprenaient très bien musicalement. Mais au début de leur collaboration la foi profonde d’Arthur qui venait de se convertir au catholicisme irritait un peu Colin car Arthur imprégnait sa musique d’une grande spiritualité qui à cette époque n’était pas la tasse de thé (sic) de Colin. Ils en ont parlé ensemble, puis avec Shamsi Colin a changé et a été attiré par la religion musulmane. Ensuite et de ce fait, leur relation est alors devenue plus complète.
Vous vous souvenez sûrement de cette tournée au Danemark puis à Rimini avec Roméo et Juliette de Berlioz également donné à la Cité de la Musique avec l’orchestre appelé à l’époque « Orchestre des jeunes de la Communauté Européenne ». Quel bonheur et quelle évidence !
J’ai également un très beau souvenir d’une semaine à Lisbonne où Arthur avait été chargé par Colin de « mettre en forme” (« put into shape ») le chœur Gulbenkian avec lequel il devait donner « La Damnation de Faust » avec l’orchestre Royal du Concertgebouw. Le chef de chœur Gulbenkian n’en était pas très heureux mais quand Colin est arrivé avec l’orchestre il a juste eu à diriger une générale et …bien sûr tout était parfait ! Magique …
Leur collaboration a été vraiment efficace lorsque nous avons chanté le « Te Deum » de notre cher Berlioz au Zénith avec un nombre impressionnant de choristes. C’était un moment rare et fort. Pour remercier Arthur, Colin nous avait invités à diner au restaurant avec lui et Shamsi. Par hasard nous y avons retrouvé des amis. Or pendant le diner un de ces amis, de nature bavarde et exubérante, a renversé un verre de vin rouge sur le complet clair de Colin !! Branle-bas de combat …Colin fut imperturbable en parfait gentleman…
Après la mort d’Arthur quand j’allais le voir dans sa loge à Paris ou ailleurs après un concert il m’accueillait à bras ouverts avec beaucoup d’émotion et cela me faisait chaud au cœur. Shamsi était encore là et nous bavardions pendant que les invités défilaient…
Ses interprétations vont beaucoup nous manquer car elles étaient pleines de jeunesse, de précision, d’élégance, d’humour et surtout… de romantisme. Mais sa merveilleuse direction d’une miraculeuse fluidité pouvait également s’enflammer avec passion. Il a fait aimer Berlioz aux français et disait que les anglais comprenaient mieux Berlioz que nous. Cet après-midi 15 avril 2013 sur France Musique après avoir entendu la Cantate «Herminie» chantée par Janet Baker et Yvonne Minton, on entendait Colin Davis dire en interview “je suis un homme démodé et romantique et non repentant” …Cher Colin …vous allez nous manquer et qui va jouer Berlioz aussi bien que vous maintenant ?

Annie Oldham, 17-04-2013