Depuis le départ annoncé de Nicolas Joël de l’Opéra de Paris, le moins que l’on puisse dire est que le jeu des chaises musicales s’accélère. Ainsi, l’on sait maintenant que son successeur, Stéphane Lissner, prendra ses fonctions à Paris le 1er août 2014. On a également appris récemment que Daniel Barenboïm, nommé à la Scala par Lissner en 2006, quittera ce poste fin décembre 2014, soit 2 ans avant le terme prévu de son mandat. Une autre ère peut donc s’ouvrir maintenant à la Scala avec à sa tête Alexander Pereira, remercié de Salzbourg pour avoir fait savoir trop tôt que la direction de la Scala l’intéressait et qui prendra ses fonctions en septembre 2014. Quant à la direction musicale, elle devrait revenir au très talentueux et charismatique Riccardo Chailly, chef italien né à Milan et qui a débuté sa carrière à la Scala aux côtés de Claudio Abbado.
Cet épisode confirme, s’il en était besoin, que des contrats de ce type peuvent se rompre avant terme, ce qui pourrait faciliter la succession de Simon Rattle à Berlin. A ce propos, le directeur du Festival de Lucerne, Michaël Haefliger, dont on peut penser qu’il est bien informé, écrivait il y a peu dans la lettre qui accompagnait la présentation du programme 2014, que les deux plus sérieux candidats pour Berlin étaient Gustavo Dudamel et Andris Nelsons. Or, Gustavo Dudamel est directeur musical du Los Angeles Philharmonic Orchestra jusqu’en 2020 et Andris Nelsons vient de signer à l’Orchestre Symphonique de Boston jusqu’en …2020. Rappelons que Simon Rattle quittera son poste en juin 2018 et que le nom de son successeur doit être annoncé courant 2015. Il faudra également trouver un successeur, cette fois dès 2016, à Simon Halsey, l’ami de Simon Rattle, qui était venu à sa demande diriger le Rundfunkchor Berlin en 2001 et qui quittera ses fonctions en 2016. Une rumeur insistante et non démentie suggère que les deux Simon, Rattle et Halsey, pourraient bientôt se retrouver au London Symphony Orchestra, que Valery Gergiev quittera en 2015 pour Munich, Simon Halsey étant déjà depuis l’été 2012 chef du London Symphony Chorus… Vous me suivez toujours ?
Quant à Riccardo Chailly, il pourrait cumuler, une tradition discutable mais bien ancrée dans ce milieu, sa fonction de directeur musical de la Scala avec celle de directeur du Gewandhaus de Leipzig (il vient d’être renouvelé jusqu’en 2020…) comme Barenboïm dirigeait, en même temps que la Scala, la Staatskapelle de Berlin. Un Daniel Barenboïm qui dit vouloir recentrer ses activités sur la Staatskapelle de Berlin et sur le Divan Orchestra et sa future académie, bientôt logée à Berlin à deux pas du Staatsoper (toujours et pour encore un moment en travaux) dans un bâtiment dessiné par le génial Frank Gehry (celui du Musée de Bilbao) livrable en 2015.
Par ailleurs, qu’en est-il à Paris en termes de musique symphonique ? Les choses sont plus calmes et les enjeux moins importants. Daniele Gatti, candidat malheureux à la direction de la Scala et à l’Orchestre de Boston, a prolongé son contrat à l’Orchestre National de France jusqu’en 2017. A l’Orchestre de Paris, faute de candidat naturel ou déclaré, on ne voit pas très bien qui pourrait remplacer Paavo Järvi qui préférera sans doute rester pour profiter plus longtemps de la Philharmonie de Paris dans laquelle il se montre déjà, casque et baguette de chef à la main …Seul changement attendu mais de taille, l’Orchestre Philharmonique de Radio France, toujours en très grande forme actuellement, accueillera en septembre 2015 à sa tête l’étonnant chef finlandais, Mikko Franck. Du sang jeune, neuf et de cette qualité à Paris, voilà une excellente nouvelle !
Et à propos de la Philharmonie de Paris, que dire ? Le chantier avance maintenant vite mais les travaux semblent être conduits sans l’aval de l’architecte Jean Nouvel. Ce dernier s’en est plaint dans la presse et ailleurs, mais ne semble pas avoir trouvé d’interlocuteur susceptible d’écouter ses doléances. Il est vrai que les coûts grimpent (on parle de plus de 380 millions d’euros) et qu’en ces temps difficiles ce n’est pas un atout. On espère surtout que ce très beau projet architectural ne va pas être bâclé et que l’on se ne retrouvera pas, comme à l’Opéra Bastille, avec des problèmes de finition ou de matériaux inadaptés. L’inauguration est annoncée pour janvier 2015 mais on s’étonne de n’entendre personne évoquer le projet artistique et les publics, qu’il va pourtant falloir trouver, développer et fidéliser. Rien non plus de précis sur les coûts de fonctionnement pourtant essentiels à la planification du projet. Bizarre, bizarre !
Gilles Lesur