Depuis le 1er septembre 2016 Daniel Harding est le neuvième directeur musical de l’Orchestre de Paris.
Rappelons le parcours hors du commun de ce sujet de Sa Majesté, né à Oxford il y a 41 ans. Après une formation à Birmingham et à Berlin auprès de Simon Rattle puis de Claudio Abbado et des débuts en public à l’âge de 20 ans, les engagements se multiplient rapidement partout sur la planète. A cette phase hyperactive, succèdent les directions musicales du «Deutsche Kammerphilharmonie Bremen» (1999-2003), puis du Mahler Chamber Orchestra (2003-2008). Enfin, depuis 2007 Daniel Harding est le directeur musical apprécié de l’Orchestre de la Radio Suédoise, tout en étant premier chef invité du London Symphony Orchestra. Habitué à diriger les meilleures phalanges dans un très large répertoire symphonique, Daniel Harding est également un chef d’opéra recherché à Salzbourg comme à la Scala de Milan ou aux opéras de Berlin et Vienne.
Sa nomination annoncée en juin 2015 pour un premier mandat de 3 ans à l’Orchestre de Paris fut pour beaucoup une surprise. En effet, et Daniel Harding ne s’en cache pas, il est d’abord resté sur une très mauvaise impression d’un premier contact avec l’orchestre en 1997. Mais revenant le diriger en 2014 ce fut cette fois un coup de foudre, réciproque semble-t-il…Et quand Paavo Järvi a annoncé son départ à l’été 2014 la recherche d’un successeur s’est naturellement conduite vers cet homme dans la force de l’âge et très expérimenté.
L’impression générale après les premières rencontres pour de superbes «Scènes de Faust» de Schumann est excellente. Déjà le choix de cette oeuvre rare, complexe et ambitieuse est un vrai défi en même temps qu’un message. Ensuite, le contact est simple avec cet homme agréable, souriant, parlant très bien le français et à l’humour typiquement britannique. De plus, il sait exactement ce qu’il veut et sait l’obtenir sans crispation. Avec les chanteurs adultes du choeur le geste est clair, l’exigence élevée, les demandes précises et manifestement sous-tendues par une réflexion sur la musique et le texte. Daniel Harding insiste aussi beaucoup et avec raison sur les accentuations de la langue allemande. Sa manière de diriger les enfants est aussi un modèle avec ce mélange d’autorité naturelle, d’exigence, de gentillesse, associée, au besoin, à des encouragements sans oublier une bonne note d’humour.
En somme, un vrai travail, précis, exigeant, éminamment musical mais qui semble limpide tout en étant tonique et très structuré. Son incitation récurrente à l’écoute collective, que l’on pourrait résumer par une formule déjà entendue à plusieurs reprises «Faisons de la musique ensemble» est d’une grande pertinence. Elle laisse imaginer que Daniel Harding souhaite développer une culture de l’écoute collective sans doute dans l’optique de construire l’identité sonore dont il rêve. Et dans cette optique le second concert « Faust » était un modèle du genre avec sa tension de chaque instant et une conduite précise de la ligne musicale qui sont la marque des grands chefs.
Dans un entretien paru dans un récent numéro de «Cadences» ses intéressants propos permettent d’espérer pour l’avenir. En effet, un directeur musical qui à peine nommé déclare « Nous avons l’obligation de proposer des projets artistiques innovants dignes de l’investissement du public » ou « Le plus grand risque c’est de ne prendre aucun risque » mérite à l’évidence considération. On sait que le chœur de l’Orchestre de Paris n’intéressait pas Paavo Järvi. Il semble que ce soit tout le contraire avec Daniel Harding qui sait et aime diriger les chœurs (la musique avec texte lui parle plus que des musiques abstraites) et ses premiers choix pour la saison 2016/2017, à savoir 3 programmes avec chœur, le démontrent clairement. De plus, Daniel Harding arrive à un moment où le chœur est en bonne forme vocale. Cela devrait permettre d’imaginer l’avenir proche, et notamment la saison 2017/20818 qui sera celle des 50 ans de l’orchestre, avec sérénité.
Nul doute que son carnet d’adresses riche de noms prestigieux, ce dont témoigne déjà une exceptionnelle distribution vocale pour ce « Faust », et que ses relations privilégiées avec de très grands chefs comme Rattle, Salonen, Jansons et d’autres de la jeune génération comme Nézet-Seguin, Ticciati ou Heras-Casado participent de l’avenir. A plus long terme, espérons que Daniel Harding parvienne à amener l’institution vers plus de modernité, ce qui serait une vraie rupture par rapport à Pleyel. En attendant le rendez-vous est déjà pris pour « Le paradis et la Péri » de Schumann en décembre.
Cher Daniel, le précédent directeur de l’Orchestre de Paris qui portait le même prénom que vous a donné à cet orchestre et à son chœur ses plus grandes heures de gloire. Vous avez à l’évidence tout pour faire de même. Bienvenue à l’Orchestre de Paris !
Gilles Lesur, le 15/9/2016